Le Cameroun a posé le 17 juillet 2025 la première pierre d’un ambitieux complexe de raffinage et de stockage pétrolier à Kribi, marquant une étape décisive dans la stratégie de réduction de sa dépendance énergétique. Ce projet, piloté par la Société nationale des hydrocarbures (SNH) en partenariat avec plusieurs entreprises nationales et internationales, vise à produire 30 000 barils de produits raffinés par jour, soit une réduction de 30% des importations actuelles du pays.
Le complexe s’étendra sur 250 hectares à proximité immédiate du port de Kribi et comprendra une raffinerie moderne ainsi qu’un dépôt de stockage stratégique de produits pétroliers. La société de projet CSTAR, spécialement créée pour cette opération, sera accompagnée par des partenaires tels que Tradex, Ariana Energy et le consortium RCG. Selon Nathalie Moudiki, présidente du conseil d’administration de CSTAR, ces infrastructures constituent “une avancée majeure dans le domaine de l’économie pétrolière” et sont destinées à “révolutionner et sécuriser l’écosystème énergétique” camerounais.
Cette initiative intervient dans un contexte de vulnérabilité énergétique chronique pour le Cameroun. Depuis l’incendie de 2019 qui a paralysé la raffinerie de la Sonara, le pays importe 100% de ses produits pétroliers, une situation qui expose dangereusement l’économie nationale aux disruptions d’approvisionnement. Cette dépendance totale aux importations, couplée à un déficit structurel des capacités de stockage, place le Cameroun dans une position de fragilité extrême où “un problème d’approvisionnement d’un jour” peut provoquer une rupture de la chaîne énergétique nationale, comme l’explique Miles Dion Ngute, coordonnateur du projet.
Au-delà de la sécurité énergétique, le projet porte des ambitions économiques et sociales considérables. La construction générera 5 000 emplois directs, puis 2 000 postes permanents une fois la raffinerie opérationnelle, offrant une réponse partielle au chômage des jeunes qui frappe le pays. L’impact sur la balance commerciale devrait être substantiel, avec un renforcement attendu des réserves de change grâce à la substitution aux importations. Le complexe devrait être inauguré courant 2027, marquant l’aboutissement d’une stratégie énergétique nationale repensée.
Le choix de Kribi n’est pas fortuit : cette ville balnéaire abrite déjà un port en eaux profondes stratégique qui facilitera l’acheminement du pétrole brut et l’exportation d’éventuels surplus de production. La localisation géographique offre également des avantages logistiques pour desservir les marchés régionaux, positionnant potentiellement le Cameroun comme un hub de raffinage en Afrique centrale. Cette dimension régionale pourrait transformer le projet d’infrastructure nationale en levier géopolitique, renforçant l’influence économique camerounaise dans la sous-région.
Toutefois, ce projet soulève des interrogations sur la viabilité financière à long terme et la capacité technique du pays à gérer efficacement cette infrastructure complexe. L’expérience douloureuse de la Sonara, qui n’a jamais atteint sa capacité optimale avant son arrêt brutal, rappelle les défis opérationnels et de maintenance que représentent de telles installations dans le contexte camerounais. La réussite de cette nouvelle raffinerie dépendra largement de la qualité des partenariats technologiques noués et de la mise en place d’une gouvernance rigoureuse pour éviter les écueils du passé.