Un mois après sa signature solennelle à Washington, l’accord de paix entre la République démocratique du Congo et le Rwanda peine à entrer dans sa phase opérationnelle. Censé ouvrir une nouvelle ère de stabilité dans la région des Grands Lacs, ce processus diplomatique majeur accumule les retards dans ses premières étapes de mise en œuvre, soulevant des interrogations sur sa capacité à transformer durablement la dynamique conflictuelle entre les deux pays.
La première phase de l’accord, axée sur l’échange de renseignements pour lutter contre les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), devait être lancée quinze jours après la signature du 27 juin. Cette échéance n’a pas été respectée, la mise en route effective du processus étant conditionnée à la première réunion du mécanisme conjoint de sécurité. Cette structure, qui rassemble des délégués congolais et rwandais, aurait dû être opérationnelle au plus tard le 27 juillet. Sa convocation, finalement programmée pour la semaine prochaine, témoigne des difficultés pratiques à transformer les engagements diplomatiques en actions concrètes sur le terrain.
Cet accord intervient dans un contexte particulièrement tendu, marqué par l’offensive du groupe armé Alliance du fleuve Congo/Mouvement du 23 mars (AFC/M23), soutenu par Kigali, dans l’est de la RDC. Cette escalade militaire, qui dure depuis plusieurs mois, a provoqué des déplacements massifs de populations et aggravé l’instabilité chronique dans cette région riche en ressources minières. La signature surprise de l’accord en juin avait suscité l’espoir d’un apaisement, mais les réalités du terrain continuent de défier les ambitions diplomatiques exprimées dans les chancelleries occidentales.
Le rôle central des États-Unis dans ce processus se confirme avec l’organisation cette semaine d’une réunion cruciale du comité de surveillance conjointe à Washington. Cette instance, qui réunit les États-Unis, le Qatar, l’Union africaine ainsi que des représentants congolais et rwandais, dispose de prérogatives étendues : recevoir les plaintes, examiner les accusations de violations, résoudre les différends et proposer des mesures correctives. Sa première session constituera un test décisif pour évaluer la volonté politique réelle des parties prenantes et leur capacité à dépasser les logiques d’affrontement.
L’ambition affichée par cet accord contraste avec la lenteur de sa mise en œuvre initiale. Si le calendrier prévu témoignait d’un optimisme certain, les premières semaines révèlent la complexité inhérente à tout processus de paix dans une région où les intérêts géopolitiques et économiques s’entremêlent avec les rivalités ethniques et les héritages du génocide rwandais. La réunion de Washington de cette semaine pourrait déterminer si cet accord constitue un véritable tournant ou s’il rejoindra la longue liste des initiatives diplomatiques avortées dans la région des Grands Lacs.
Les observateurs régionaux restent prudents quant aux perspectives de succès de cette initiative. L’histoire récente de la région est jalonnée d’accords de paix qui n’ont pas résisté aux réalités du terrain. La présence américaine, incarnée par le secrétaire d’État Marco Rubio lors de la signature, témoigne certes d’un engagement diplomatique de haut niveau, mais la durabilité de cet investissement politique face aux défis pratiques de la mise en œuvre reste à démontrer. Le test décisif viendra de la capacité des mécanismes mis en place à produire des résultats tangibles sur la sécurité des populations civiles dans l’est congolais.