La justice malienne a ordonné l’ouverture d’une information judiciaire visant l’ancien Premier ministre Choguel Kokalla Maïga, désormais placé sous mandat de dépôt. L’annonce a été faite le 19 août par le procureur général près la Cour suprême, Mamoudou Timbo, qui évoque des accusations d’atteinte aux biens publics, de faux et usage de faux, de blanchiment d’argent et de complicité dans des malversations portant sur plusieurs milliards de francs CFA.
Selon le communiqué du procureur, les investigations concernent la gestion de la Primature et d’organismes rattachés. Le dossier, issu notamment d’un rapport du Bureau du Vérificateur général (BVG), fait état d’irrégularités graves : dépenses injustifiées, prêts douteux, frais de mission jugés excessifs, marchés attribués sans transparence et anomalies diverses dans l’utilisation des fonds publics. La Cour suprême conserve la compétence sur une partie des poursuites, tandis que le volet financier a été transféré au parquet national économique et financier.
Choguel Maïga, figure du Mouvement du 5 juin – Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP), avait été nommé Premier ministre en 2021, au cœur de la transition militaire. Il a occupé ce poste jusqu’en novembre 2024, date de son limogeage après ses critiques contre la prolongation de la transition par les autorités militaires. Ses fonctions passées à la tête de la Primature, mais aussi à l’Agence de gestion du Fonds d’accès universel (AGEFAU) et à l’Autorité de régulation des télécommunications (AMRTP), sont désormais scrutées par les juges.
La Chambre d’instruction de la Cour suprême poursuit l’examen du dossier, sans qu’aucune date de comparution ne soit fixée pour l’instant. Le procureur général a insisté sur le respect des droits de la défense et rappelé la présomption d’innocence. Il a assuré que le parquet communiquerait à chaque étape jugée nécessaire, mais les procédures pourraient s’étendre sur plusieurs mois, au vu de la complexité des faits reprochés.
Placé en garde à vue depuis le 12 août, après une première audition le 1er du même mois, Choguel Maïga a réagi par la voix de son avocat, Me Cheick Oumar Konaré, affirmant accueillir la décision « avec sérénité ». L’ancien Premier ministre aurait déclaré qu’« un homme politique doit s’attendre à tout, y compris la prison et la mort ». Son conseil a exprimé un certain soulagement de constater que son ancien directeur de cabinet, Issiaka Ahmadou Singaré, 80 ans, poursuivi dans le même dossier, n’a pas été placé en détention.
Au-delà de la personnalité de Choguel Maïga, cette affaire met en lumière la volonté affichée des autorités judiciaires maliennes de cibler la gestion des deniers publics. Elle intervient aussi dans un contexte de tensions politiques internes, où la question de la transparence et de la gouvernance reste centrale. Pour beaucoup d’observateurs, l’issue de cette procédure sera un test de crédibilité pour la justice malienne, souvent accusée d’être instrumentalisée à des fins politiques.