À deux mois de l’élection présidentielle prévue le 12 octobre 2025 au Cameroun, plusieurs voix de l’Église catholique se font entendre. Alors que Paul Biya, au pouvoir depuis 1982, se lance dans une nouvelle candidature à 92 ans, des prélats s’expriment ouvertement sur la nécessité d’un changement politique. Pour l’analyste politique Stéphane Akoa, le ton adopté par l’Église est inédit et « significatif ».
Depuis août, des évêques multiplient les déclarations. L’archevêque de Douala, Samuel Kleda, a appelé les fidèles à ne pas céder au découragement et à choisir des dirigeants portés par le désir de transformer le pays. À Bafoussam, l’évêque a dénoncé les pressions sur les citoyens, allant jusqu’à déclarer qu’il préférait être emprisonné plutôt que de voir le peuple opprimé. Dans la région de l’Extrême-Nord, l’évêque de Yagoua a exhorté les Camerounais à prier pour une alternance pacifique et juste.
Jusqu’ici, l’Église camerounaise adoptait une posture prudente lors des scrutins, se contentant d’appels à la retenue et au calme. Cette année, le ton change. Selon Stéphane Akoa, la nouveauté tient au caractère répété et incisif de ces interventions, amorcées dès la fin de 2024. Plus encore, la conférence épiscopale n’a pas désavoué les évêques concernés, confirmant une évolution notable dans la relation entre l’institution ecclésiale et un président qui se revendique catholique.
Le maintien de Paul Biya à la tête de l’État, après plus de quatre décennies au pouvoir, alimente les tensions politiques. Douze autres candidats sont en lice, mais la probabilité d’une élection apaisée semble compromise. L’entrée de l’Église dans le débat ne fait qu’accroître la pression, tant sur le régime que sur les institutions électorales, appelées à garantir la transparence d’un scrutin dont la crédibilité est déjà mise en doute.
La parole des évêques résonne fortement au Cameroun, pays où le catholicisme compte plusieurs millions de fidèles. Leur appel au changement ne se réduit pas à une posture religieuse : il traduit aussi une attente populaire face à l’immobilisme politique. Pour Akoa, le message est clair : l’Église, longtemps gardienne de la stabilité sociale, devient désormais une voix critique, capable de peser sur le climat électoral.