Moins de vingt-quatre heures après sa nomination, Sébastien Lecornu a remis sa démission à Emmanuel Macron, plongeant la France dans une crise politique inédite. Sa sortie exprime l’échec immédiat d’un gouvernement fragilisé dès sa naissance.
Lecornu, nommé le 9 septembre, devait présider son premier Conseil des ministres à 16 h. Au matin, il se rendait à l’Élysée pour démissionner — la présidence ayant accepté sa décision. Selon ses propos dans la cour de Matignon, « les conditions n’étaient plus remplies » pour diriger la France. Il déplore « les appétits partisans » — une allusion directe à Bruno Retailleau et aux Républicains, qui, dès l’annonce de la composition ministérielle, avaient remis en cause leur participation. Lecornu souligne également que son offre de renoncer à l’article 49.3, afin de donner plus de place au Parlement, n’a pas « permis ce choc de dire qu’on peut faire différemment ».
La chute express du gouvernement s’inscrit dans un contexte d’instabilité que connaît la Ve République. Après la dissolution de l’Assemblée nationale en juin 2024, l’hémicycle est devenu ingouvernable — divisé en blocs opposés, sans majorité nette. Lecornu, troisième Premier ministre en un an, était déjà affaibli : nommé pour stabiliser, il hérite d’un pari risqué, avec 18 ministres dont 12 reconduits. Le problème principal : la composition du gouvernement. Le retour de Bruno Le Maire aux Armées, pour la droite un symbole des dérives budgétaires, et la présence massive de ministres Renaissance (10 pour ce parti, contre 4 pour LR) ont provoqué une révolte immédiate chez les Républicains. LR ne pouvait accepter « un dernier tour de piste » au profit de la Macronie, selon François-Xavier Bellamy.
Plusieurs scénarios se dessinent. Le président Macron pourrait dissoudre l’Assemblée, comme le réclame le Rassemblement national, ou nommer un nouveau Premier ministre dans la continuité. Certains acteurs politiques, notamment LFI, appellent à une démission présidentielle. Le risque : une nouvelle période d’instabilité prolongée, avec un exécutif affaibli face à un Parlement fracturé. Le défi désormais : composer un gouvernement capable d’être crédible et viable dans un paysage politique morcelé.
La brève existence du gouvernement Lecornu — le plus court de la Ve République — illustre la faiblesse structurelle du régime face à des tensions partisanes exacerbées. La Bourse de Paris a plongé de près de 2 % lundi matin, tandis que les taux d’intérêt français à dix ans ont fortement augmenté. Le terrain économique ne permet plus d’ignorer que l’instabilité gouvernementale a un coût réel pour le pays. En coulisses, Lecornu, jadis peu loquace, avait misé sur le dialogue discret avec l’opposition ; mais le pari s’est retourné contre lui. Le fait qu’il ne dispose d’aucune majorité stable l’a toujours condamné à composer dans l’urgence.