La police ougandaise a annoncé le recrutement de 100 000 agents spéciaux pour une mission de trois mois, officiellement destinée à sécuriser l’élection présidentielle du 15 janvier. Cette décision, présentée comme une mesure de précaution, soulève immédiatement de vives inquiétudes parmi les défenseurs des droits humains, qui y voient un risque de militarisation du processus électoral et d’intimidation des électeurs.
Le recrutement massif et temporaire de ces “agents spéciaux” constitue le cœur de la polémique. Les critiques, portées notamment par l’ONG Chapter Four Uganda, pointent le manque de formation spécifique de ces volontaires, qui pourraient être recrutés directement après le lycée. Leur mission déclarée est d’encadrer le scrutin, mais leur statut et leur chaîne de commandement directe font craindre une obéissance aveugle à des ordres potentiellement liberticides, pouvant aller jusqu’à perturber le déroulement normal du vote.
Cette annonce s’inscrit dans un contexte politique ougandais marqué par une violente répression lors de la précédente présidentielle. En 2021, une cinquantaine de personnes avaient trouvé la mort dans des affrontements entre forces de sécurité et manifestants. Ce scrutin est considéré par les observateurs comme le plus militarisé de l’histoire du pays. La campagne actuelle montre des signes de continuité, avec une présence policière massive entravant régulièrement les meetings de Robert Kyagulanyi, dit Bobi Wine, le principal candidat de l’opposition.
Les perspectives pour le jour du vote et la période post-électorale sont sombres. Les organisations de la société civile redoutent que cette présence sécuritaire massive n’intimide les électeurs, les dissuadant de se rendre aux urnes et les privant ainsi de leur droit fondamental. Un tel scénario pourrait non seulement entacher la légitimité du résultat, mais aussi créer un terrain propice à de nouvelles violences si la population conteste une élection perçue comme confisquée.
Pour Paul Wasswa, avocat chez Chapter Four Uganda, le parallèle avec 2021 est évident et troublant. Il souligne que la simple présence en nombre des forces de l’ordre lors d’un scrutin génère un climat de peur incompatible avec un processus démocratique apaisé. La stratégie apparente d’encerclement du candidat Bobi Wine pendant la campagne est analysée comme un prélude aux perturbations qui pourraient survenir le jour de l’élection, limitant la capacité de l’opposition à mobiliser ses partisans.
Au-delà des craintes immédiates, cette situation interroge la trajectoire démocratique de l’Ouganda. Le recours à des agents peu formés mais nombreux pour contrôler l’espace public et électoral représente une méthode de gouvernance qui privilégie le contrôle sécuritaire sur le dialogue politique. L’enjeu dépasse la seule élection de janvier : il s’agit de savoir si le pays peut instaurer un cadre où la compétition électorale se déroule sans que la menace ou la coercition ne soit perçue comme un instrument légitime de gestion du scrutin.



