Le député Hicham Sfar (RND) a déposé un amendement au code de la nationalité prévoyant la déchéance automatique de la nationalité algérienne pour tout citoyen commettant à l’étranger des actes qualifiés de « trahison » ou portant atteinte aux « intérêts vitaux de l’État ».
Le texte vise les Algériens suspectés de coopérer avec des organisations terroristes ou des puissances hostiles, sans autre précision juridique. Il suffirait d’un décret ministériel, sans décision de justice, pour que le concerné perde à jamais sa nationalité. L’initiative, présentée comme un rempart à l’unité nationale, élargit la définition de la trahison au-delà du code pénal existant et supprime la double peine d’emprisonment, remplaçant la sanction par une exclusion pure et simple de la communauté nationale.
Depuis l’indépendance en 1962, l’Algérie n’a jamais retiré la nationalité à un citoyen pour trahison, même pendant la décennie noire des années 1990. La Constitution de 2020 renforce pourtant le patriotisme en référence constante à la souveraineté et à la « nation immortelle ». Dans le même temps, le pouvoir accuse régulièrement des figures de la diaspora – journalistes, opposants, militants du hirak – de « comploter » avec l’étranger. Le projet de Sfar s’inscrit dans une séquence répressive : dissolution d’ONG, fermeture de médias, arrestations de militants, et loi sur les réseaux sociaux adoptée en 2022.
Si l’amendement est voté, Alger pourrait appliquer une « déchéance administrative » assortie d’expulsions ou de refus de visas, multipliant les apatrides. Le risque est double : détournement politique contre des dissidents, et rupture avec la Convention de 1961 sur la réduction des cas d’apatridie, que l’Algérie n’a pas signée mais dont elle s’inspire dans sa législation. Les ONG redoutent aussi des représailles diplomatiques : la France, l’Espagne et le Canada abritent d’importantes communautés algériennes et pourraient voir leurs ressortissants d’origine déchus menacés d’expulsion vers Alger, créant un casse-tête juridique.
Arabi Zuaq, politologue sécuritaire, juge la mesure « inapplicable et contre-productive » : « Les vrais terroristes ne se reconnaissent pas comme nationaux, donc la déchéance ne les effraie pas ; elle sert juste à criminaliser l’opposition. »
Une avocate algérienne en droit international, sous couvert d’anonymat, souligne que le texte viole l’article 15 de la Déclaration universelle des droits de l’homme : « Aucun ne peut être arbitrairement privé de sa nationalité. »
Dans les cafés d’Alger, le débat est vif. « On va finir comme les Baha’is d’Égypte, apatrides chez soi », raille un enseignant. À Bab el-Oued, un ancien militant du FLN résume : « On a chassé les colons en 62, aujourd’hui on chasse les nôtres. »

 
  
  
  

