Le Niger a acheminé 82 citernes de carburant à Bamako, une aide d’urgence destinée à soulager le Mali, soumis depuis plus de deux mois et demi à un embargo total sur les importations de carburant imposé par le groupe jihadiste Jnim, affilié à al-Qaïda. Salutée par les autorités maliennes de transition, cette livraison constitue également le premier acte concret de solidarité de l’Alliance des États du Sahel (AES) face à cette stratégie d’étouffement économique.
Ce convoi, après un périple de près de 1 400 kilomètres sous escorte militaire et arborant les couleurs nigériennes, a été officiellement accueilli le 22 novembre 2025 par le ministre malien de l’Industrie et du commerce, Moussa Alassane Diallo. Ce dernier a exprimé la « gratitude » de son gouvernement, soulignant que ces produits pétroliers contribueraient à « améliorer l’approvisionnement » du pays et à « réduire les souffrances de nos populations ». Il a également salué le « courage » et le « dévouement » des chauffeurs ayant bravé la menace jihadiste.
Cet événement s’inscrit dans un contexte de rupture stratégique dans la région. Le Mali, le Niger et le Burkina Faso ont quitté la Cédéao et fondé l’AES en réponse aux pressions et sanctions de l’organisation régionale, notamment après les putschs à Bamako, Ouagadougou et Niamey. L’ambassadeur du Niger au Mali, Abdou Adamou, a d’ailleurs explicitement relié ce geste de solidarité au soutien antérieur du Mali au Niger lorsque la Cédéao menaçait une intervention militaire contre Niamey. Le convoi s’apparente ainsi à une démonstration de la cohésion de ce nouveau bloc face aux défis sécuritaires et diplomatiques.
Les perspectives ouvertes par cette opération sont doubles. Sur le plan humanitaire, elle offre un répit limité mais visible dans une capitale où la pénurie de carburant paralyse l’économie et la vie quotidienne. Stratégiquement, des analystes y voient un prélude à des engagements plus profonds. Boubacar Ba, directeur du Centre d’analyse sur la gouvernance et la sécurité au Sahel, estime que cet acte « préfigure d’une possibilité d’un déclenchement éventuel d’une action militaire d’accompagnement du Mali par les deux pays ». Cette logistique sécurisée par les trois armées pourrait annoncer des opérations militaires conjointes de l’AES contre les groupes jihadistes.
Sur le terrain, les réactions sont contrastées. Une source sécuritaire malienne salue un geste « extrêmement important et symbolique » qui « manifeste la détermination des forces de l’AES à faire face au terrorisme » et lève les doutes sur la solidité de l’Alliance. À l’inverse, certains habitants de Bamako se montrent cyniques, qualifiant l’opération de « folklore » et de « théâtralisation » face à l’ampleur d’une crise qui maintient le pays « à l’arrêt ».
Au-delà du symbole, la question de l’efficacité quantitative se pose crûment. Un économiste malien interrogé rappelle que les besoins quotidiens pour la seule ville de Bamako sont estimés à au moins 150 citernes, un volume qui rend cette aide nigérienne structurellement insuffisante. Si le geste est politiquement significatif, il ne représente qu’une goutte d’eau face à l’immensité des besoins logistiques nécessaires pour briser durablement l’embargo jihadiste.



