Le gouvernement de transition burkinabè, dirigé par le capitaine Ibrahim Traoré, a adopté mercredi 4 décembre un projet de loi visant à réintroduire la peine de mort dans le Code pénal. Cette décision, intervenue en Conseil des ministres, marque un revirement radical moins de six ans après l’abolition de cette peine en juin 2018.
Le projet de loi, porté par le ministre de la Justice Edasso Rodrigue Bayala, prévoit l’application de la peine capitale pour une série de crimes considérés comme des atteintes majeures à la sûreté de l’État. Sont explicitement visés les actes de haute trahison, de terrorisme et d’espionnage, ainsi que d’autres “infractions majeures contre la Nation”. Le gouvernement justifie cette mesure par “les aspirations profondes du peuple” et par l’impératif de dissuasion face aux menaces les plus graves pesant sur la sécurité nationale.
Ce rétablissement s’inscrit dans un contexte sécuritaire dramatique, où le Burkina Faso est aux prises avec des groupes jihadistes qui contrôlent de vastes portions du territoire et ont causé des milliers de morts et plus de deux millions de déplacés. Sur le plan politique, le pays est dirigé depuis le coup d’État de septembre 2022 par une junte militaire qui a fait de la reconquête du territoire et de la souveraineté nationale son credo absolu. L’abolition de 2018, votée sous l’ancien régime de Roch Marc Christian Kaboré, est aujourd’hui présentée par les autorités transitionnelles comme une décision inadaptée aux réalités sécuritaires du moment.
Le projet de loi sera prochainement soumis à l’Assemblée législative de transition (ALT), dont les membres sont désignés par le pouvoir exécutif. Son adoption définitive ne fait guère de doute. Cette décision place le Burkina Faso à contre-courant de la tendance abolitionniste en Afrique de l’Ouest et risque d’isoler davantage le pays sur la scène internationale, où il est déjà sous le coup de sanctions régionales de la CEDEAO. Elle ouvre aussi la voie à des exécutions pour des crimes liés au terrorisme, dans un contexte judiciaire où les procès pour ces faits sont souvent critiqués pour leur opacité et leur rapidité.
Sur le plan juridique, la réintroduction de la peine capitale pose des questions fondamentales. Le Burkina Faso est signataire du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, qui n’interdit pas formellement la peine de mort mais la restreint aux “crimes les plus graves”. La qualification d'”autres infractions majeures” dans le projet de loi laisse une marge d’interprétation large et potentiellement extensible aux mains du pouvoir.
La rhétorique gouvernementale, qui associe souveraineté nationale et châtiment suprême, révèle une philosophie pénale fondée sur l’exemplarité et la fermeté absolue. Pour ses détracteurs, il s’agit d’un outil de répression politique potentiel et d’un recul des droits humains. Pour ses partisans, c’est un signal de force nécessaire à l’État en guerre. Cette mesure symbolise le tournant autoritaire et sécuritaire pris par le régime de Ibrahim Traoré, prêt à rompre avec les engagements internationaux du pays au nom de la lutte pour sa survie.



