Rigobert Song sera sur le banc camerounais, au Qatar. Celui que l’on considérait comme un « guerrier » sur le terrain lors de sa carrière de joueur saura-t-il faire oublier le fiasco du Mondial 2014 au Brésil pour les Lions indomptables ? Un défi de taille pour l’ancien défenseur aux 137 sélections avec le Cameroun.
La vie de Rigobert Song est un roman. Son histoire : celle d’un gamin qui n’a pas connu son père et qui dès le plus jeune âge s’est épris pour le ballon rond. Il termine major de la première promotion de la célèbre école de football des Brasseries du Cameroun.
Adolescent, Rigobert Song signe en 2e division au Red Star Bangou, gagne un peu d’argent pour mettre du beurre dans les épinards et soutenir sa mère qui l’élève seule. À 16 ans, le jeune homme rejoint le Tonnerre de Yaoundé, un des plus grands clubs du pays. Il découvre la sélection dans la foulée, et joue sa première la Coupe du monde en 1994 aux États-Unis, à seulement 17 ans.
« Au Cameroun, les gens l’aiment pour son charisme et sa détermination »
Pendant presque deux décennies, Rigobert Song a porté le maillot des Lions indomptables. Il reste à l’heure actuelle le recordman des sélections avec les Lions indomptables (137). Rigobert Song est également le seul joueur à avoir disputé huit Coupes d’Afrique (avec deux victoires en 2000 et 2002) et personne sur le continent africain n’a joué autant de matchs de CAN que lui (36). « Il a été un très grand défenseur qui a évolué dans des grands clubs comme Liverpool. Il a toujours été un leader sur le terrain. Pour l’Afrique, c’est une icône », témoigne pour RFI Benjamin Moukandjo, capitaine des Lions lors de la victoire au Gabon lors de la CAN 2017.
Défenseur puissant et agressif, Rigobert Song est exclu à deux reprises en Coupe du monde avec après avoir vu rouge contre le Brésil à 17 ans, en 1994, pour son deuxième match, il écope de deux jaunes contre le Chili en 1998. Avec ses coéquipiers Samuel Eto’o (devenu son président, à la tête de la Fédération camerounaise) et Jacques Songo’o, il participe quatre fois au rendez-vous du Mondial (1994, 1998, 2002 et 2010).
« Participer à quatre Coupes du monde, c’est énorme, indique Benjamin Moukandjo. Surtout quand on voit comment c’est difficile de se qualifier en tant que pays africain. Au Cameroun, les gens l’aiment pour son charisme et sa détermination. J’ai eu la chance de le côtoyer et il dégage quelque chose de fort. J’espère qu’il va pouvoir transmettre sa volonté de bien faire dans le vestiaire. Il est légitime quand il parle. C’est déjà un plus pour l’équipe. »
Entraîneur, Rigobert Song, l’a fait un peu fait par hasard. Après sa carrière de joueur, Joël Muller, président du syndicat des entraîneurs de football en France de 2001 à 2016, l’incite à devenir coach et Song retourne sur les bancs de l’école à Clairefontaine. Il retrouve entre autres Zinédine Zidane et Claude Makelele.
« Je me suis battu pour rester en vie »
Au Qatar, celui qui a qualifié les Lions avec une victoire face à l’Algérie à la dernière seconde va donc continuer cette fabuleuse histoire d’amour avec la sélection. Et pourtant, l’homme est passé à côté du drame en 2016 quand un AVC manque de le terrasser. Deux années plus tard, il est à la tête de la sélection A’ pour le Championnat d’Afrique des nations (CHAN) qui se tient au Maroc.
« Je me suis battu pour rester en vie. Je ne pouvais pas quitter ceux qui priaient pour moi. Je me suis dit que ce n’était pas mon heure », nous racontait confortablement assis dans le hall de son hôtel l’homme aux dreadlocks. Rigobert Song s’était refait une santé, sa passion du football était restée intacte. « Je suis toujours dans l’esprit d’un compétiteur. Je ne suis plus sur le terrain, mais j’ai le même état d’esprit », disait celui qui a redouté de possibles séquelles. Et d’ajouter : « Je suis fier d’être de retour et de poursuivre mes activités grâce au soutien de ma fédération et du peuple camerounais. Je dois rendre ce qu’ils m’ont donné. »
Aujourd’hui, Rigobert Song a la délicate mission de faire briller la nation de Roger Milla au Qatar. Un pari rendu possible par Samuel Eto’o, à la tête de la fédération. L’ancien défenseur de Lens avait été choisi en février 2022 après le limogeage du Portugais Antonio Conceição. Sa nomination avait fait débat et certains ne manquaient pas de rappeler qu’il avait soutenu Eto’o lorsque celui-ci était en campagne pour accéder à la présidence de la fédération (FECAFOOT).
L’ancien joueur de Metz, Liverpool, West Ham, Lens ou Galatasaray doit faire oublier la dernière sortie du Cameroun au Mondial, en 2014 au Brésil. À l’époque, les Lions indomptables avaient plus que déçu. Battus par le Mexique, et humiliés par la Croatie et le Brésil, les Camerounais, qui avaient été privés de compétitions officielles depuis le Mondial 2010, rentraient au pays la tête baisse. La légende Rigobert Song saura-t-elle redorer l’image des Lions indomptables ?