Le dialogue inter-congolais entame sa deuxième journée de travaux jeudi 1er décembre à la capitale kényane Nairobi. Plus de 200 délégués sont représentés, notamment plus de 50 groupes armés et de la société civile de la RDC, en plus de la facilitation de la Communauté de l’Afrique de l’Est et d’une délégation de Kinshasa. Si le M23 n’y a pas été convié, les parties veulent ramener la paix et doivent débattre notamment sur les conditions de désarmement des groupes, voire de leur amnistie.
Mercredi 30 novembre dans l’après-midi, les groupes armés ont pu échanger, par province, avec le facilitateur de la Communauté de l’Afrique de l’Est (EAC) pour la RDC Uhuru Kenyatta. De nombreux sujets sont sur la table, notamment la question de l’amnistie des rebelles : c’est une demande de certaines milices, alors que plusieurs acteurs de la société civile plaident pour une justice transitionnelle.
Serge Tshibangu, le mandataire du président congolais pour le processus de Nairobi, a clarifié la position de Kinshasa lors d’une session ouverte à la presse mercredi matin : l’amnistie ne sera pas automatique avec le dépôt des armes, a-t-il déclaré à notre correspondante à Nairobi, Albane Thirouard.
« Il n’y aura pas d’amnistie pour les crimes commis contre nos propres frères et nos propres sœurs, a-t-il affirmé. Amnistie veut dire que nous serions venus à Nairobi pour utiliser ce forum comme un purgatoire, là où tous les péchés commis, toutes les atrocités commises vis-à-vis de nos propres frères et de nos propres sœurs seront effacés avec un coup de bâton magique, et puis après quand on rentre au Congo, tout est normal. Il faudra prévoir, il faudra savoir, la justice transitionnelle va également fonctionner. »
Serge Tshibangu a précisé par la suite que la justice ne passerait pas que par les tribunaux… un processus de vérité et réconciliation devrait être mis en place pour permettre la réintégration de certains rebelles au sein de la société. Il est d’ailleurs attendu de ces derniers qu’ils rejoignent le Programme de désarmement, démobilisation et relèvement communautaire et stabilisation (PDDRCS).
Le programme de désarmement et réinsertion dans l’impasse
Selon le PDDRCS, mis en place par le gouvernement congolais pour accompagner le processus de paix, le M23 avait jusqu’au 30 novembre, selon les décisions du Mini-sommet de Luanda, pour désarmer et se cantonner. Cela sous le contrôle de l’armée congolaise et de la force régionale de l’EAC, en collaboration avec la Monusco. Pourtant, le mouvement, qualifié par Kinshasa de « groupe terroriste » garde ses positions conquises, alors que le PDDRCS peine à être mis en place.
En août 2021, le président Félix Tshisekedi avait nommé Emmanuel Tommy Tambwe au poste de coordonnateur national du nouveau PDDRCS. Un an plus tard, le travail de terrain de ce programme censé être l’un des piliers de la stratégie du gouvernement dans la lutte contre les groupes armés et le processus de paix en RDC a pris du retard, rapporte notre correspondant à Kinshasa, Patient Ligodi.
Le PDDRCS avait planifié de démobiliser au moins 20 000 combattants en 2022. L’objectif n’est pas atteint, faute d’argent : ce n’est qu’en novembre que la première tranche des 47 millions de dollars budgétisés a été débloquée.
Pour l’année prochaine, le gouvernement veut mettre un coup d’accélérateur. Le budget a quasiment été doublé avec un accent sur le désarmement et la réinsertion. Une enveloppe de 84 millions de dollars est programmée. Et il va falloir d’urgence aménager les sites qui ont été identifiés pour accueillir les candidats au DDR.
Aussi, le gouvernement dit attendre également que les principaux partenaires honorent leurs engagements. Parmi ces bailleurs, il y a la Banque mondiale, qui travaille avec les autorités congolaises sur un projet d’environ 250 millions dollars. Lequel projet sera axé sur les aspects liés à la stabilisation avec comme priorité les écoles ou encore les infrastructures.
Paul Kagame accuse Kinshasa d’accuser Kigali par « praticité »
À Kigali, entre-temps, le président Paul Kagame a tenu mercredi un long discours au Parlement dans lequel il est revenu sur la situation à l’est de la RDC. « C’est devenu pratique de mettre sur les épaules du Rwanda tous les problèmes », dénonce-t-il, alors que Kinshasa accuse les autorités rwandaises de soutenir le groupe rebelle du M23. Dans son discours, le chef d’État assure n’avoir aucun intérêt à déstabiliser le pays voisin.
RFI