Le pape effectue sa première visite au Soudan du Sud, pays majoritairement chrétien et déchiré par des années de conflit. François y est accompagné de Justin Welby, chef spirituel de l’Église anglicane, et de Iain Greenshields, ministre de l’Église d’Ecosse. Une venue qui redonne « un peu d’espoir » à la population, affirme John Ashworth, ancien missionnaire qui a passé 40 ans au Soudan et Soudan du Sud. Entretien.
RFI : À quel point cette visite du pape François, de l’archevêque de Canterbury, chef spirituel de l’Église anglicane, et du ministre de l’Église d’Écosse, est-elle importante pour le Soudan du Sud ?
John Ashworth : Pour le Soudan du Sud, cette visite est très importante, car la population a souvent l’impression d’être oubliée. Et la venue de ces hauts responsables religieux leur redonne un peu d’espoir.
Les Églises chrétiennes ont toujours travaillé ensemble au Soudan et au Soudan du Sud. Depuis plus de 50 ans, elles poussent pour le rétablissement de la paix et de la réconciliation. En cela, la visite de ces trois chefs d’Église est un soutien important à leur travail.
Est-ce que les Églises ont beaucoup de poids au Soudan du Sud ?
Les Églises ont une autorité morale très importante dans le pays. Pendant les années de guerre, quand il n’y avait pas de gouvernement, pas d’ONG, pas de troupes des Nations unies, pas de société civile, pas de média, l’Église était la seule institution présente sur le terrain, auprès de la population.
L’Église n’évacue pas son personnel quand il y a du danger, comme le font l’ONU ou les ONG. Les Églises restent sur le terrain avec la population pour l’aider. D’une certaine façon, les Sud-Soudanais les voient comme un gouvernement qui leur assure les services de base, dans la santé, l’éducation… L’Église a toujours été comme un guide, un leader pendant ces années difficiles de guerre.
Sait-on si le président Salva Kiir et son vice-président Riek Machar sont eux-mêmes très pratiquants ?
Ils sont tous les deux chrétiens. Salva Kiir est catholique. Et Riek Machar est presbytérien. On sait que Salva Kiir est pratiquant, très impliqué dans l’Église catholique et qu’il est conseillé par des évêques catholiques. Tout comme Riek Machar est conseillé par des évêques protestants.
Savez-vous si le pape François et ses deux collègues protestants vont faire pression sur les autorités pour qu’elles se réconcilient ?
Oui, on s’attend à ce que ces trois chefs religieux poussent pour un retour à la paix dans le pays. Les leaders politiques et militaires du pays vont-ils les écouter ? C’est une autre question.
Quand Salva Kiir et Riek Marchar sont venus en pèlerinage à Rome en 2019, ils se sont engagés à œuvrer pour la paix. À l’époque, le pape s’était agenouillé et avait embrassé leurs pieds. C’était une image forte. Tout le monde s’est dit que ce geste allait les encourager à changer, que cela allait aider à la réconciliation. Mais, malheureusement, une fois rentrés au pays, rien n’a changé. Il n’y a pas eu de volonté politique, aucun d’effort.
Le problème est que Salva Kiir et Riek Machar ne sont pas seuls. Ils sont entourés de gens qui les influencent : les forces de sécurité, les milices, d’autres partis politiques, leur propre clan, leur propre communauté, qui font pression sur eux. Nous espérons et nous prions pour que pape et ses deux collègues leur rappellent les promesses faites à Rome. Mais je ne sais pas quelle influence ils peuvent réellement exercer sur nos leaders politiques.
rfi