La visite à Ouagadougou du ministre ivoirien délégué à l’Intégration africaine, Adama Dosso, ce samedi 6 décembre, marque un geste inhabituel dans les relations tendues entre la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso depuis le coup d’État d’Ibrahim Traoré en 2022. Ce déplacement, sollicité selon les autorités burkinabè par Abidjan, ouvre la voie à l’hypothèse d’un début de réchauffement diplomatique.
Les discussions ont été présentées par les deux parties comme directes et sincères. Le ministre burkinabè des Affaires étrangères, Karamoko Jean Marie Traoré, a affirmé que les échanges s’étaient déroulés dans un climat de vérité et d’ouverture, insistant sur l’importance de poursuivre « ce pas important ». Pour le Burkina Faso, l’accueil réservé à la délégation ivoirienne traduit une volonté claire de normaliser les relations. Adama Dosso a reconnu les « turbulences » qui affectent les deux pays depuis plus de trois ans et a justifié sa venue en évoquant la nécessité de régler leurs différends « en famille ».
Depuis l’arrivée au pouvoir du capitaine Ibrahim Traoré, les tensions se sont accumulées entre Abidjan et Ouagadougou. Les autorités burkinabè accusent la Côte d’Ivoire d’héberger des opposants cherchant à renverser le régime, et même de servir de point d’appui à des groupes armés actifs sur leur territoire, sans jamais fournir de preuves. Des arrestations ont été signalées de part et d’autre de la frontière, renforçant la méfiance. À cela s’est ajoutée la mort controversée, en juillet, d’Alain Christophe Traoré, dit Alino Faso, détenu à Abidjan, que la justice ivoirienne présente comme un suicide et que le Burkina Faso considère comme un assassinat.
Cette visite pourrait amorcer une tentative d’apaisement, mais rien n’indique que les tensions structurelles soient en voie de résolution. Le différend sur la présence d’opposants en Côte d’Ivoire, la défiance sécuritaire et l’affaire Alino Faso continueront de peser sur la relation bilatérale. La capacité des deux pays à dépasser ces contentieux déterminera si ce geste diplomatique ouvre réellement une nouvelle phase.
La Côte d’Ivoire accueille près de 70 000 réfugiés burkinabè, ce qui ajoute une dimension humaine à la crise diplomatique. Les mouvements de populations, les échanges commerciaux et les liens historiques rendent toute rupture durable difficile. Le rappel par Adama Dosso de la nécessité de surmonter les « moments d’incompréhension » souligne cet entremêlement des destins.
La région reste fragilisée par l’expansion des groupes armés, et toute collaboration renforcée entre Abidjan et Ouagadougou aurait un impact direct sur la stabilité du corridor ouest africain. La volonté affichée d’avancer masque toutefois des positions encore rigides, ce qui laisse planer l’incertitude sur les suites de ce premier rapprochement.



