Accusé d’avoir interféré dans des enquêtes sensibles et d’avoir protégé des réseaux criminels, le ministre sud-africain de la Police, Senzo Mchunu, a été placé en congé forcé par le président Cyril Ramaphosa. Cette décision, annoncée dans un discours à la nation le 13 juillet, intervient une semaine après les révélations explosives du commissaire provincial de la police du KwaZulu-Natal.
Selon Ramaphosa, les accusations portées contre Mchunu portent atteinte au socle même de l’État sud-africain : le respect de la Constitution, de l’État de droit et de la sécurité nationale. Le chef de l’État a annoncé la création d’une commission d’enquête chargée de déterminer l’ampleur de la compromission éventuelle des institutions policières et judiciaires par des groupes criminels. Le ministre est notamment soupçonné d’avoir démantelé une unité spéciale enquêtant sur les assassinats politiques dans la province du KwaZulu-Natal, bastion de violences intra-partisanes.
Le KwaZulu-Natal reste une région instable, où les rivalités politiques au sein de l’ANC donnent régulièrement lieu à des violences ciblées. Depuis plusieurs années, des enquêtes pointent une porosité croissante entre les forces de sécurité et les réseaux mafieux. Ce nouvel épisode ravive les inquiétudes autour d’un appareil sécuritaire déjà critiqué pour son inefficacité et ses complicités présumées. La mise à l’écart de Mchunu s’inscrit dans une tentative de redorer l’image d’un État fragilisé par les affaires de corruption.
La commission d’enquête annoncée par Ramaphosa devra répondre à une question centrale : les forces de sécurité sont-elles infiltrées par des intérêts criminels ? L’enjeu dépasse le sort personnel de Mchunu. Il s’agit de restaurer la confiance dans les institutions. Cette initiative s’inscrit également dans un contexte électoral tendu, où la gestion des questions de sécurité pèsera lourd sur la crédibilité de l’ANC.
En attendant les conclusions de l’enquête, Senzo Mchunu est remplacé par Firoz Cachalia, juriste et ancien élu de l’ANC, connu pour sa rigueur. Ce choix vise à calmer les tensions et à envoyer un signal de fermeté. Mchunu, de son côté, dit respecter la décision présidentielle et affirme vouloir se défendre contre les accusations. Mais son avenir politique reste incertain, d’autant que ce n’est pas la première fois que le KwaZulu-Natal se retrouve au cœur de crises sécuritaires liées à l’appareil d’État.
Ce scandale met une nouvelle fois en lumière les luttes internes au sein de l’ANC et la difficulté du parti à assainir ses rangs. Ramaphosa, qui se veut le héraut de la lutte contre la corruption, se retrouve contraint de prendre des mesures fortes contre l’un de ses anciens proches. Cette affaire pourrait renforcer sa posture de réformateur, mais elle révèle aussi l’ampleur des résistances au sein de son propre camp. À quelques mois d’échéances électorales majeures, l’ANC joue sa crédibilité sur sa capacité à rompre avec les pratiques opaques du passé.