Le président algérien Abdelmadjid Tebboune a exclu l’écrivain Boualem Sansal de la grâce présidentielle accordée à plusieurs milliers de détenus à l’occasion de la fête de l’indépendance, le 5 juillet. Condamné à cinq ans de prison pour des propos tenus dans un média français d’extrême droite, l’auteur de Le village de l’Allemand reste incarcéré à Koléa, malgré les espoirs placés dans une mesure de clémence.
Depuis plusieurs semaines, les proches, les avocats et le comité de soutien de Boualem Sansal s’étaient préparés à une possible libération. Le gouvernement français lui-même espérait que le pouvoir algérien profiterait de cette date symbolique pour faire un geste, comme il est d’usage chaque année. Mais vendredi 4 juillet, en annonçant la liste des bénéficiaires, la présidence algérienne a clairement exclu les personnes « condamnées définitivement » pour atteinte à l’unité nationale — catégorie dans laquelle Sansal est inscrit par la justice.
Arrêté en novembre 2024, Boualem Sansal avait déclaré lors d’une interview à Valeurs actuelles que l’Algérie avait hérité de territoires marocains durant la colonisation française. Ces propos lui ont valu d’être poursuivi pour atteinte à l’unité nationale et condamné à une peine de prison en première instance, confirmée en appel il y a trois jours. L’auteur de 80 ans, malade, a encore la possibilité de se pourvoir en cassation, mais il reste derrière les barreaux.
Ce refus de grâce survient dans un climat de relations bilatérales particulièrement tendues entre Alger et Paris. Depuis près d’un an, les gestes d’hostilité se sont multipliés : rappels de diplomates, restrictions de visas, discours critiques. Pour plusieurs observateurs, l’affaire Sansal est symptomatique d’un durcissement algérien vis-à-vis de toute voix dissidente, en particulier quand elle s’exprime depuis la France.
Arnaud Benedetti, professeur à la Sorbonne et président du comité de soutien international, dénonce une stratégie de négociation restée lettre morte. « C’est une colère et une indignation », a-t-il déclaré, regrettant que la prudence diplomatique française n’ait pas permis d’obtenir un résultat. Le comité envisage désormais de revoir son approche et d’accroître la pression publique et politique.
Atteint d’un cancer de la prostate et détenu depuis plus de sept mois, Boualem Sansal fait figure de prisonnier symbolique. Ses partisans dénoncent une instrumentalisation politique de la justice et s’inquiètent pour sa santé. Dans les milieux littéraires et académiques, son maintien en détention est perçu comme une attaque contre la liberté d’expression et une volonté délibérée de punir une parole dissidente jugée trop dérangeante.