Après sa visite en RDC, le pape François est arrivé ce vendredi à Juba, la capitale du Soudan du Sud. Avec l’archevêque de Canterbury et le modérateur de l’Église d’Écosse, il a entamé un « pèlerinage œcuménique pour la paix » dans le plus jeune pays au monde, en proie à des conflits.
Accueilli par les chants et les youyous d’une foule compacte, le pape François s’est rendu de l’aéroport international de Juba au palais présidentiel pour les premières rencontres au programme de sa visite. Accompagné du chef de l’Église anglicane Justin Welby et du ministre de l’Église d’Écosse Iain Greenshields, il s’est entretenu pendant plus d’une heure et demie avec Salva Kiir et ses quatre vice-présidents.
Le président sud-soudanais a ensuite pris la parole face aux représentants des autorités, du corps diplomatique et de la société civile réunis dans le jardin de la présidence. Il a admis les retards pris sur le calendrier de l’accord de paix, tout en tâchant de défendre les avancées réalisées. Le président Salva Kiir a tenu, dans son discours, à exprimer sa « gratitude » : « Votre visite va avoir un impact positif sur notre conscience nationale et sur la paix dans notre pays. »
Devenu indépendant en 2011, le Soudan du Sud avait sombré dans la guerre civile en 2013. L’accord de paix a été signé en 2018, mais sa mise en œuvre traîne, et les violences continuent.
« Assez de sang versé ! »
Le pape François a ensuite pris la parole, implorant les dirigeants sud-soudanais à « changer de direction ». « Assez de sang versé ! », leur a-t-il lancé, « je viens comme pèlerin de réconciliation, avec le rêve de vous accompagner sur votre chemin de paix, un chemin tortueux mais qui ne peut plus être reporté ». « Assez de destruction, c’est l’heure de la construction ! » a-t-il insisté, appelant au « partage équitable des richesses » du pays, où la corruption est rampante. « Les générations futures honoreront ou effaceront la mémoire de vos noms en fonction de ce que vous faites maintenant », a-t-il déclaré.
Directeur de l’organisation de la société civile Cepo, Edmond Yakani était présent à la rencontre : « La rencontre a envoyé un message très clair à nos leaders politiques, qu’ils doivent donner une chance à la paix et reprendre confiance l’un envers l’autre pour travailler ensemble. Ils doivent se réconcilier et se pardonner, pour que la paix prévale. Car les citoyens du Soudan du Sud en ont marre de la violence. »
L’archevêque de Canterbury et le modérateur de l’Église d’Écosse se sont ensuite exprimés, insistant tous deux sur l’urgence de mettre en œuvre l’accord de paix en totalité.
Rencontre avec des survivantes
La visite papale continue ce samedi 4 février, avec une rencontre avec les membres du clergé à la cathédrale sainte-Thérèse, une autre avec des personnes déplacées, puis une prière œcuménique au mausolée de John Garang.
Avant cela, une rencontre avec des personnes déplacées par la guerre civile est prévue au Freedom Hall, à 16h30 heure locale. La venue du pape est une source d’espoir pour les personnes déplacées par la guerre, et encore plus pour les femmes ayant subi des violences sexuelles lors du conflit.
En décembre 2013, lorsque des combats éclatent dans la capitale sud-soudanaise, Anna prend la fuite. Au sud de Juba, elle tombe dans une embuscade. Elle est violée par des hommes en uniforme, avant de rejoindre un camp de réfugiés en Ouganda. Elle a eu un fils issu de ce viol, un garçon rejeté par sa communauté et qu’elle a beaucoup de difficultés à élever.
« Pour nous les survivantes (de viols), la venue du pape est un apaisement. Avec l’aide de Dieu, il va changer notre pays et réconcilier nos dirigeants. Car si ceux qui nous gouvernent ne sont pas en paix, le pays tout entier ne peut pas connaître la paix. Nous en avons marre de fuir, d’être coincés dans des camps de réfugiés, nous avons marre des tueries. Sa venue devrait nous aider à vivre en paix et à changer notre pays. »
Jackline Nasiwa dirige le Centre for Peace and Inclusive Governance, et travaille avec un réseau de plus de 120 survivantes de violences sexuelles en lien avec le conflit au Soudan du Sud : « Il faut que le pape écoute les souffrances des survivantes. Elles sont très vulnérables, et personne ne les écoute. Elles sont stigmatisées du fait des abus qu’elles ont subi. Etre une survivante dans un camp de déplacés est encore plus difficile, il faut imaginer leur vie. J’espère que la venue du pape va vraiment rendre nos dirigeants plus humbles, et qu’ils commencent à œuvrer pour la paix. »
Lors de la rencontre prévue au Freedom Hall cet après-midi, le pape va s’adresser à des centaines de déplacés issus de différentes régions du pays secouées par des conflits, puis écouter leurs témoignages.
rfi