Le verdict tant attendu du procès de l’ancien directeur général de la police béninoise, Philippe Houndégnon, n’aura finalement pas été prononcé ce 19 mai. À la surprise générale, la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (Criet) s’est déclarée incompétente pour juger l’affaire, renvoyant le dossier à l’instruction. Une décision jugée incompréhensible et injuste par la défense, qui dénonce une « hérésie judiciaire ».
Présent à la barre pour entendre le jugement, Philippe Houndégnon n’a eu droit qu’à une déclaration expéditive : « incompétence de la juridiction, renvoi en instruction et maintien du mandat de dépôt ». L’audience n’a duré qu’une minute. Selon la Criet, les faits reprochés – cyberharcèlement et incitation à la rébellion – relèveraient d’une qualification criminelle échappant à sa compétence. L’ancien responsable, silencieux, a regagné sa place, visiblement stupéfait. Maître François Kéké, l’un de ses avocats, a fustigé une décision qui viole selon lui « les droits de la défense » et constitue « une infamie judiciaire ».
Philippe Houndégnon, ex-directeur général de la police nationale, est en détention depuis plusieurs mois. Il est notamment connu pour ses prises de position critiques à l’égard du président Patrice Talon, souvent relayées sur les réseaux sociaux. En avril dernier, le procureur avait requis deux ans de prison ferme contre lui. Le procès s’inscrit dans un climat politique tendu où la liberté d’expression, notamment sur les plateformes numériques, fait l’objet d’une surveillance accrue.
Le renvoi du dossier ne met pas fin à la procédure. La défense, tout comme le parquet spécial, a interjeté appel. Ce dernier a saisi dès le jour même la chambre des appels, dans l’espoir d’un réexamen du fond. Deux scénarios sont possibles : si la chambre confirme l’incompétence, un juge d’instruction devra reprendre l’enquête. Si elle l’infirme, la justice devra alors se prononcer sur la culpabilité ou l’innocence de l’accusé.
Ce retournement de situation soulève plusieurs interrogations sur la cohérence du système judiciaire béninois. Comment une juridiction spécialisée comme la Criet peut-elle mener toute une procédure avant de se déclarer incompétente au moment du verdict ? Pour les avocats de la défense, ce flou témoigne d’un dysfonctionnement préoccupant de l’appareil judiciaire et d’un possible acharnement politique.
L’affaire Houndégnon cristallise les tensions entre pouvoir exécutif et voix critiques au sein de l’appareil sécuritaire. Elle est suivie avec attention par une partie de la société civile qui y voit un indicateur de la santé démocratique du pays. À ce stade, aucune date n’a encore été communiquée pour la suite de la procédure, et Philippe Houndégnon reste en détention.