La Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) a menacé, dimanche 7 décembre 2025, de déployer une force militaire régionale au Bénin à la suite d’une tentative de coup d’État. L’organisation a condamné avec la plus grande fermeté cette action qu’elle qualifie d’anticonstitutionnelle et de subversion de la volonté populaire.
Dans un communiqué officiel, la Commission de la Cédéao, basée à Abuja, a salué la réaction des forces armées béninoises pour maîtriser la situation. Elle a tenu les auteurs du complot pour pleinement responsables des pertes en vies humaines et en biens, et a annoncé son soutien au gouvernement “par tous les moyens nécessaires”, incluant explicitement l’option d’un déploiement de sa force régionale en attente. Cette déclaration constitue un niveau d’engagement rare et marque une volonté d’intervention directe pour la sauvegarde de l’ordre constitutionnel.
Cette crise survient dans un contexte politique et sécuritaire béninois particulièrement tendu. Sur le plan politique, le principal parti d’opposition, Les Démocrates, a été exclu de la prochaine élection présidentielle d’avril 2026, restreignant l’espace démocratique. Sécuritairement, le nord du pays subit depuis plusieurs années la pression d’attaques jihadistes, dont une, en avril 2025, a officiellement coûté la vie à 54 militaires. Les putschistes, se réclamant d’un “Comité militaire pour la refondation”, ont d’ailleurs invoqué ces fragilités dans leur justification.
Les perspectives immédiates sont conditionnées par la clarification de la situation sur le terrain. Bien que le ministre de l’Intérieur, Allasane Seidou, ait parlé d’une mutinerie maîtrisée, l’absence d’informations sur la localisation du président Patrice Talon, en fin de mandat, entretient un flou. La menace crédible d’une intervention de la Cédéao, dont la doctrine a évolué pour répondre plus fermement aux coups d’État, constitue un puissant facteur de dissuasion contre toute nouvelle tentative de déstabilisation. Cette crise testera également la cohésion et la réactivité de l’armée béninoise.
Les revendications du groupe putschiste, bien que rapidement étouffées, offrent un éclairage brut sur les fractures internes. Le “Comité militaire pour la refondation” a pointé des griefs sécuritaires, mais aussi sociaux, comme la gestion du personnel militaire et des mesures affectant fonctionnaires et enseignants, ainsi que des restrictions politiques. Ce discours cherche à capitaliser sur des frustrations réelles au sein du corps social et peut-être d’une partie des forces armées, même si la hiérarchie militaire est restée loyaliste.
La réaction rapide et sans ambiguïté de la Cédéao s’inscrit dans sa nouvelle ligne de défense intransigeante de l’ordre constitutionnel, renforcée après la série de coups d’État dans la région depuis 2020. En brandissant l’option militaire, l’organisation régionale envoie un signal fort à l’ensemble de la sous-région : la tolérance zéro pour les prises de pouvoir par la force est désormais assortie d’une capacité d’action concrète. Cette posture vise autant à protéger le Bénin qu’à prévenir un effet de contagion dans un espace ouest-africain encore fragilisé par des transitions politiques incertaines.
La suite des événements dépendra de la capacité des autorités béninoises à rétablir pleinement et rapidement l’autorité de l’État sur l’ensemble du territoire et à garantir la sécurité des institutions. La crise, même courte, risque d’exacerber les tensions politiques à l’approche de l’échéance électorale de 2026. Elle place également la communauté internationale, et notamment les partenaires traditionnels du Bénin, dans l’obligation de réaffirmer leur soutien à la légitimité constitutionnelle, tout en encourageant un dialogue politique inclusif pour adresser les griefs soulevés.



