Le président botswanais Duma Boko a lancé un avertissement solennel mercredi lors d’un atelier stratégique gouvernemental : le modèle économique actuel du pays, massivement dépendant des revenus diamantaires, constitue désormais une “bombe à retardement sociale” face à la montée du chômage des jeunes. Cette déclaration marque un tournant dans la reconnaissance officielle des limites structurelles d’une économie mono-dépendante qui a pourtant assuré la prospérité du Botswana depuis son indépendance.
L’industrie diamantaire botswanaise, organisée autour de la coentreprise Debswana associant l’État et le géant De Beers, pèse encore près de 70% des recettes d’exportation nationales et représente une part majeure du PIB. Cependant, cette domination économique révèle aujourd’hui ses fragilités. La demande mondiale de diamants naturels s’effrite face à la concurrence des pierres synthétiques et aux difficultés économiques des principaux marchés de consommation. Cette érosion de la demande s’est traduite par des suppressions d’emplois massives : Debswana a annoncé en mai la suppression de 1 000 postes, contribuant à porter le taux de chômage national à 27,6% début 2024.
Depuis l’indépendance en 1966, le Botswana a bâti son développement économique et social sur l’exploitation de ses gisements diamantaires parmi les plus riches au monde. Cette manne a permis au pays de figurer longtemps parmi les économies africaines les plus stables et prospères. Pourtant, cette mono-dépendance expose structurellement le Botswana aux chocs extérieurs et aux évolutions des marchés internationaux. Les récentes turbulences du secteur diamantaire révèlent l’urgence d’une refonte du modèle économique national, une nécessité que les autorités avaient jusqu’ici repoussée tant que les revenus diamantaires demeuraient juteux.
Face à cette crise structurelle, le gouvernement Boko a présenté le Programme de transformation économique du Botswana (BETP), une stratégie de diversification axée sur l’agriculture, le tourisme, l’industrie manufacturière et les services numériques. Le vice-président et ministre des Finances Ndaba Gaolathe a défini ce programme comme une “feuille de route axée sur les données”, ouverte à l’ensemble des acteurs économiques, des coopératives aux PME en passant par le secteur informel. Chaque projet sera évalué selon des critères précis : retour sur investissement, potentiel de création d’emplois et alignement avec les objectifs de développement national.
La transition économique s’annonce complexe dans un pays où les institutions, les infrastructures et les compétences ont été historiquement orientées vers l’industrie diamantaire. Le président Boko a appelé les dirigeants gouvernementaux à devenir des “agents proactifs du changement” et à adopter un nouveau modèle de gouvernance fondé sur la responsabilité et l’innovation. Cette transformation nécessitera des investissements massifs dans la formation, le développement des infrastructures et l’accompagnement des secteurs émergents.
Les projections économiques renforcent l’urgence de cette diversification. Le Fonds monétaire international anticipe une contraction du PIB botswanais de 0,4% en 2025, conséquence directe de la baisse des revenus diamantaires et de la faiblesse persistante du secteur privé non minier. Cette récession programmée illustre la vulnérabilité d’une économie nationale tributaire d’un secteur en déclin structurel. Le succès du BETP conditionne désormais la capacité du Botswana à éviter une crise sociale majeure et à préserver sa stabilité politique, acquise de haute lutte depuis l’indépendance.