Un groupe de militaires a annoncé vendredi à la télévision nationale du Burkina Faso la mise à l’écart du chef de la junte Paul-Henri Damiba, au pouvoir depuis un coup d’État en janvier. Les militaires putschistes ont également proclamé la dissolution du gouvernement et de la Constitution, ainsi que la fermeture des frontières du pays jusqu’à nouvel ordre. Le nouvel homme fort du pays, désigné président du MPSR, est désormais le capitaine Ibrahim Traoré.
Le lieutenant-colonel Damiba ne dirige plus la transition burkinabè. Il est remplacé par le capitaine Ibrahim Traoré qui prend la tête du MPSR, le Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration, qui avait été instauré lors du précédent coup en janvier dernier et qui ne change donc pas de nom.
Les frontières terrestres et aériennes sont fermées à partir de minuit heure locale, la Constitution est suspendue et le gouvernement est dissout. Un couvre-feu est également instauré, entre 21 heures et 5 heures du matin.
Toute activité politique et de la société civile est suspendue et « les forces vives de la nation » seront bientôt convoquées pour rédiger une nouvelle charte de transition afin de désigner un nouveau président, « civil ou militaire », précisent les soldats putschistes. Bérets rouges et visage découvert pour certains, casques et masques noirs pour d’autres, ils affirment vouloir « poursuivre l’idéal commun » du peuple burkinabè, « à savoir restaurer la sécurité et l’intégrité du territoire. »
Les putschistes entendent également rassurer la communauté internationale : les engagements du Burkina seront respectés, « notamment les droits humains », selon la déclaration lue à la télévision.
Le sort du lieutenant-colonel Damiba n’a pas été précisé. Réagissant aux rumeurs circulant sur les réseaux sociaux, une source diplomatique française précise que l’armée française ne le garde ni ne le protège nulle part.
Mais à l’heure actuelle, des interrogations persistent non seulement sur le sort du lieutenant-colonel Damiba mais aussi sur la réaction de ceux qui, notamment au sein de l’armée, pourraient décider de lui rester fidèles.
La Cédéao condamne
La Cédéao n’a pas tardé à réagir dans la soirée. La Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest condamne, avec la plus grande fermeté, la prise de pouvoir par la force qui vient de s’opérer aujourd’hui. La Cédéao trouve, « inopportun » ce nouveau coup de force, au moment dit-elle, où des progrès ont été réalisés pour un retour à l’ordre constitutionnel. Elle exige le respect « scrupuleux » du chronogramme déjà retenu pour un retour à la légalité constitutionnelle au plus tard le 1er juillet 2024.
Journée mouvementée
Ces annonces qui ont été faites au terme d’une journée mouvementée à Ouagadougou, rappelle notre correspondant Yaya Boudani. Tout a commencé très tôt le matin vers 4h, autour de la villa 25, située dans le quartier de Ouaga 2000. C’est l’une des résidences du président du Faso. Les tirs à l’arme lourde ont réveillé les habitants. Les principales rues du quartier et tout le périmètre autour du camp Baba Sy ont été également bouclés. Des blindés positionnés aux endroits stratégiques. La zone administrative, où sont situées la télévision nationale et la primature, a également été bouclée. Le signal de la télévision nationale suspendue toute la journée.
Sur les raisons de ce mouvement d’humeur, plusieurs sources avaient évoqué des «primes impayées », en précisant que le mouvement pouvait évoluer. Il était dès lors difficile de savoir le contenu complet des revendications de ces soldats. En plus des revendications d’ordre matériel, les soldats en colère auraient greffé d’autres revendications d’ordre politique dont la démission du président Paul-Henri Damiba.
Plusieurs officiers supérieurs assuraient la médiation entre le camp présidentiel et les mutins. A la mi-journée, un communiqué de la présidence du Faso, affirmait que « des pourparlers étaient en cours pour ramener le calme et la sérénité, l’ennemi qui attaque le Burkina Faso ne souhaite que la division entre les Burkinabè pour accomplir son action de déstabilisation ».
Mais dans l’après-midi, la tension est montée d’un cran. Des tirs nourris ont retenti au niveau du quartier Ouagadougou 2000. Plusieurs sources ont affirmé avoir vu un soldat blessé. Quelques minutes plus tard le calme est revenu, pendant ce temps les pourparlers se poursuivaient. Et les soldats en colère réclamaient désormais la démission de Paul-Henri Sandaogo Damiba.
Dans la soirée, alors qu’une déclaration d’accord était attendu, une colonne de plusieurs véhicules blindés et de pick-up s’est positionnée sur le boulevard des Tansoba devant le site du SAIO. Ces soldats seraient venus de Kaya, le fief du capitaine Ibrahim Traoré pour prêter mains fortes aux mutins.