Par Jeune Afrique
Malade depuis plusieurs années, l’ex-garde des Sceaux est décédé ce 27 septembre à Yaoundé, à l’âge de 79 ans. Il sera inhumé ce mercredi 28 septembre 2022 à Kolofata, dans sa région de l’Extrême-Nord.
L’information qui s’est propagée dans la soirée de mardi a été confirmée par des sources familiales. Amadou Ali, ancien ministre et proche collaborateur de Paul Biya, est décédé ce 27 septembre à Yaoundé, ville qu’il avait regagnée quelques jours auparavant après un ultime séjour médical en Suisse.
Malade et affaibli depuis de longs mois, Amadou Ali s’était peu à peu retiré de la vie publique. Sa dernière apparition devant les caméras remontait au 15 avril dernier. Il s’était rendu à N’Djamena pour transmettre un courrier de Paul Biya au président du Conseil militaire de transition (CMT), Mahamat Idriss Déby Itno. Vêtu d’un boubou bleu, canne au poing, ce grand échalas né à Kolofata, dans l’Extrême-Nord, avait donné sur le perron de la présidence tchadienne sa dernière allocution médiatique, saluant « l’accession au pouvoir dans la paix » du fils de feu Idriss Déby Itno.
Personnage clé de l’entourage de Biya
Bien qu’ayant quitté le gouvernement depuis le 5 janvier 2019, Amadou Ali était resté un personnage clé de l’entourage du chef de l’État camerounais, qui continuait de le consulter discrètement. Les deux hommes se connaissaient depuis près de quarante ans et avaient commencé à cheminer ensemble aux premières heures de présidence de Paul Biya.
Lorsque ce dernier hérite du pouvoir après la démission d’Ahmadou Ahidjo, en 1982, Amadou Ali est délégué général au Tourisme, un poste aujourd’hui disparu équivalent à celui de secrétaire d’État. Un an après sa prise de fonction, Paul Biya le mute à la délégation générale de la gendarmerie, une première pour un diplômé de l’École nationale d’administration et de magistrature (Enam).
Cela n’empêche pas de nombreux gendarmes d’être mêlés à la tentative de coup d’État qui survient le 6 avril 1984. L’évènement va d’ailleurs modifier la trajectoire politique d’Amadou Ali. Membre de l’ethnie kanouri, il échappe au vent de suspicion qui s’empare de la capitale et qui vise les ressortissants du grand Nord en général et les Peuls en particulier. Le 24 août 1985, la direction générale est transformée en secrétariat d’État : Amadou Ali fait son entrée au gouvernement.
Il y restera pendant trente-quatre ans sans interruption – un record de longévité. Il collectionnera postes et maroquins, étant tour à tour ministre d’État, secrétaire général à la présidence, ministre d’État chargé de la Défense, garde des Sceaux et vice-Premier ministre… Des années durant lesquelles il aura eu la responsabilité des dossiers les plus sensibles.
Un des ministres les plus craints
Maître d’œuvre de l’opération Épervier, lancée par Paul Biya en 2008 pour lutter contre les détournements de deniers publics, Amadou Ali était l’un des ministres les plus craints. C’est également lui qui était à la manœuvre dans le contentieux de Bakassi, et notamment dans le suivi des négociations avec le Nigeria. Son dernier grand dossier fut celui de la lutte contre Boko Haram.
Lorsque le président Biya déclare la guerre à ce groupe armé en mai 2014, alors qu’il se trouve à Paris, c’est Amadou Ali qui se tient à ses côtés, en lieu et place du ministre de la Défense, resté à Yaoundé. Il sera impliqué dans plusieurs opérations de négociation avec les membres de la secte pour la libération d’otages. Sa propre épouse sera même kidnappée, avant d’être relâchée après quatre mois de détention.
Administrateur chevronné, Amadou Ali était également un homme politique et un membre influent du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC, au pouvoir) dans l’Extrême-Nord. En 2013, des propos qui lui avaient été attribués par WikiLeaks au sujet de la succession de Paul Biya avaient déclenché une vive polémique. Selon l’ambassadrice des États-Unis au Cameroun, il avait affirmé « que le prochain président ne serait pas un Béti-Bulu [contrairement à Paul Biya] ». « À la question de savoir ce que le Septentrion ferait si Biya choisissait un Béti-Bulu pour lui succéder, Ali répondait que le chef de l’État ne prendrait jamais une telle décision », avait-elle rapporté. Des déclarations qui, malgré la disparition de l’ancien garde des Sceaux, conservent encore une résonance particulière, tant sont vives les batailles successorales.
Par Franck Foute