Une autopsie a été pratiquée, mardi 3 décembre, sur la dépouille d’Anicet Ekane, opposant politique et président du Mouvement africain pour la nouvelle indépendance et la démocratie (Manidem), décédé deux jours plus tôt. Cette procédure judiciaire, ordonnée par le parquet militaire, s’est déroulée malgré l’opposition formelle de la famille du défunt, plongeant ce décès dans une controverse immédiate.
L’opération, instruite par le commissaire du gouvernement près le tribunal militaire de Yaoundé, s’est effectuée en l’absence des proches ou des avocats d’Anicet Ekane. Les conseils juridiques de la famille, constitués en collectif, ont dénoncé une procédure précipitée et contesté l’intégrité des légistes désignés par les autorités. Ils réclamaient la présence d’experts indépendants pour garantir la transparence des conclusions, une demande restée sans suite. Dans une vidéo devenue virale, une sœur du défunt a exprimé les vives suspicions de la famille quant à la sincérité de cette démarche.
Ce bras de fer post-mortem s’inscrit dans un climat politique camerounais marqué par une défiance chronique entre une opposition fragmentée et un pouvoir en place depuis plus de quatre décennies. Anicet Ekane, figure d’une opposition non violente, évoluait dans un espace où les arrestations de militants et les procès devant les juridictions militaires pour « atteinte à la sûreté de l’État » sont récurrents. La saisine systématique de la justice militaire pour les affaires politiquement sensibles est régulièrement critiquée par les organisations de défense des droits humains, qui y voient un déni des garanties d’un procès équitable.
L’enjeu immédiat réside désormais dans la communication et la réception des résultats de l’autopsie. Si les autorités jugent la procédure close, la famille et les partisans d’Ekane risquent de rejeter toute conclusion qui n’aurait pas été établie de manière collégiale et transparente. Ce différend pourrait retarder indéfiniment l’organisation des obsèques, transformant le deuil en une nouvelle bataille judiciaire et médiatique. À plus long terme, cet épisode alimente un récit d’opacité et de répression qui mine la crédibilité des institutions auprès d’une frange de la population.
Sur le plan strictement médico-légal, une source anonyme, citée dans l’enquête, justifie la célérité de l’autopsie par des impératifs de fiabilité scientifique. Retarder l’examen ou utiliser du formol pour la conservation, selon cette version, aurait compliqué les analyses et rendu les prélèvements biologiques moins sûrs. Cet argument technique se heurte cependant frontalement à la défiance politique, dans un pays où les expertises officielles sont souvent suspectées d’être instrumentalisées.
Parallèlement, l’émotion populaire se cristallise. À Douala, où résidait Anicet Ekane, le siège du Manidem est devenu un lieu de recueillement, attirant en continu militants et citoyens éplorés depuis l’annonce de son décès. Cette ferveur, à la fois hommage et manifestation silencieuse de soutien, illustre le capital de sympathie dont jouissait l’opposant et place les autorités face à un défi de gestion de l’espace public. L’attente anxieuse d’une date pour les funérailles maintient une pression constante, rappelant que le décès d’Anicet Ekane dépasse le cadre familial pour incarner un symbole politique.



