Au Cameroun, la fin de l’ère Bolloré dans le secteur logistique a provoqué des remous, notamment dans le domaine du transport routier. En décembre 2022, Vincent Bolloré a cédé ses activités logistiques à l’opérateur italo-suisse MSC pour 5,7 milliards d’euros. La libéralisation du secteur, qui a suivi ce départ, divise les acteurs du marché, certains y voyant une opportunité de compétitivité, tandis que d’autres regrettent les déséquilibres qu’elle engendre.
Le départ de Bolloré a favorisé une plus grande concurrence, un point mis en avant par Gianluca Ferrera, directeur du Programme alimentaire mondial (PAM) au Cameroun. Selon lui, cette libéralisation a permis une amélioration des services offerts par divers acteurs du marché, se traduisant par une baisse des prix et une meilleure qualité de service. Le PAM, qui importe des denrées alimentaires essentielles pour les crises humanitaires, bénéficie d’une plus grande diversité de transporteurs, augmentant ainsi la flexibilité du secteur.
Cependant, la réorganisation du secteur a provoqué des tensions. Le Groupement des transporteurs terrestres du Cameroun, par la voix de son représentant Monsieur Souley, déplore la saturation du marché. Selon lui, la multiplication des transporteurs a créé une concurrence déloyale, chaque acteur étant prêt à baisser ses prix pour obtenir des contrats. Ce phénomène a conduit à une désorganisation du secteur, rendant difficile pour les transporteurs professionnels de maintenir une activité rentable et compétitive face à cette pression.
L’homme politique et conseiller du Syndicat national des transporteurs routiers, Hilaire Zipang, estime que la fin du monopole Bolloré a permis des avancées, notamment en termes d’investissements et d’augmentation des emplois dans la Régie du terminal à conteneurs (RTC). Cependant, il souligne que cette libéralisation s’est opérée de manière brusque, bouleversant l’équilibre du marché. De nouvelles entreprises, notamment des multinationales, ont désormais leur propre flotte de camions et gèrent directement leur transport, échappant ainsi à de nombreuses contraintes fiscales et réglementaires auxquelles les transporteurs traditionnels sont soumis.
Cette situation crée une distorsion dans la concurrence, selon Hilaire Zipang. Les transporteurs privés, qui n’ont pas à respecter les mêmes règles fiscales ou sociales que les transporteurs professionnels, peuvent pratiquer des tarifs beaucoup plus bas, mettant en péril la pérennité des entreprises locales. De plus, l’enjeu reste de maintenir des relations solides avec les partenaires régionaux, afin d’assurer que les ports de Douala et Kribi conservent leur domination dans le fret maritime et terrestre, face à des acteurs concurrents.
À l’avenir, la libéralisation du secteur pourrait engendrer une nouvelle restructuration du marché, avec des acteurs privés plus puissants et des multinationales jouant un rôle central. Toutefois, les tensions liées à l’inégalité fiscale et à la concurrence déloyale risquent de mener à de nouvelles revendications de la part des transporteurs traditionnels. Si les autorités camerounaises ne parviennent pas à réguler cette concurrence de manière plus équilibrée, le secteur du transport routier pourrait se retrouver dans une situation de crise.