En déplacement à Ouagadougou, le Premier ministre sénégalais Ousmane Sonko a livré une analyse critique du retrait du Burkina Faso, du Mali et du Niger de la Cédéao. Dans une interview accordée à la RTB à l’issue de sa visite, il a exprimé ses regrets face à cette rupture sous-régionale tout en dénonçant les manquements de l’organisation dans sa gestion des crises politiques.
Répondant aux questions de la télévision publique burkinabè, Ousmane Sonko a accusé la Cédéao de passivité face aux dérives démocratiques internes, notamment les modifications constitutionnelles et la répression des opposants. « Quand il y a du tripatouillage constitutionnel, la Cédéao n’en parle pas », a-t-il déploré, pointant du doigt une réaction tardive et sélective qui, selon lui, a alimenté le ressentiment des peuples et précipité les ruptures. Il espère que l’organisation « tirera toutes les leçons » de ces événements.
Malgré le retrait du Burkina Faso de la Cédéao, Sonko a insisté sur la solidité des liens bilatéraux entre les deux pays. Il a évoqué les vingt accords de coopération existants, auxquels s’ajoutent vingt-trois autres en cours de discussion. Pour lui, cette dynamique n’est pas menacée par la situation institutionnelle régionale. Au contraire, elle pourrait s’intensifier, notamment dans les domaines économique et sécuritaire.
Cette déclaration intervient dans un climat marqué par une redéfinition des alliances en Afrique de l’Ouest. Le Burkina Faso, le Mali et le Niger, réunis au sein de l’Alliance des États du Sahel (AES), prennent leurs distances avec l’influence occidentale, en particulier française, et remettent en cause les schémas d’intégration régionale traditionnels. Ousmane Sonko, qui prône également une politique de souveraineté, notamment par la fermeture des bases militaires françaises au Sénégal, s’inscrit dans cette recomposition.
Malgré son passage à Ouagadougou, le chef du gouvernement sénégalais n’a pas évoqué le cas de Guy Hervé Kam, détenu depuis un an à la prison militaire de la capitale burkinabè. Ce silence a surpris certains observateurs, d’autant plus que Kam fut l’un des avocats de Sonko durant ses démêlés judiciaires au Sénégal. Aucun mot non plus sur les droits humains ou la situation politique interne au Burkina Faso, laissant ainsi place à une diplomatie pragmatique axée sur les intérêts bilatéraux.
La visite d’Ousmane Sonko s’inscrit dans une volonté affirmée de faire entendre une autre voix au sein de l’espace ouest-africain. Entre critique ouverte des structures régionales et promotion de la coopération bilatérale hors cadre institutionnel classique, le Premier ministre sénégalais cherche à incarner un nouvel équilibre : celui d’une souveraineté revendiquée sans isolement diplomatique. Une ligne qui pourrait marquer durablement la politique étrangère du Sénégal dans les années à venir.