La Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) célèbre cette année son cinquantième anniversaire. Cette organisation, créée le 28 mai 1975 à Lagos, avait pour objectif de favoriser l’intégration économique et la coopération régionale en Afrique de l’Ouest. Si elle regroupe actuellement quinze États membres, elle est désormais confrontée à un défi majeur : trois pays, le Mali, le Burkina Faso et le Niger, ont annoncé leur retrait, mettant en lumière les tensions internes. Alors, cinquante ans après sa création, quel bilan peut-on dresser et comment expliquer cette crise au sein de l’organisation régionale?
Au fil des décennies, la Cédéao a su s’adapter aux évolutions géopolitiques. En 1990, face à la guerre civile au Libéria, elle a mis en place l’Ecomog, une force d’intervention régionale. Cette action a marqué un tournant dans la prise en charge des questions de sécurité. Neuf ans plus tard, l’organisation a élargi son champ d’action en adoptant un protocole sur la paix et la sécurité. En 2001, un autre protocole a été adopté, cette fois sur la démocratie et la bonne gouvernance. Ces avancées, bien que notables, n’ont cependant pas permis à la Cédéao d’éviter la montée des conflits et de l’extrémisme violent qui déstabilisent la région depuis une décennie.
Malgré ces efforts, la Cédéao se trouve déstabilisée par de multiples crises et l’apparition de nouveaux défis sécuritaires. Amandine Gnanguénon, chercheuse à l’Africa Policy Research Institute, explique que l’organisation n’était pas préparée à faire face à l’ampleur de ces enjeux. Elle ajoute que la Cédéao s’est retrouvée dépassée par les événements, en raison de son incapacité à gérer simultanément les interventions, la prévention et la gestion de ses priorités. Ce déficit de capacité a laissé place à des structures concurrentes, telles que le G5 Sahel et l’initiative d’Accra, qui ont progressivement pris en charge certaines problématiques.
Aujourd’hui, la survie de la Cédéao est menacée par l’émergence de nouvelles alliances et la fragilité de son modèle. Les trois pays qui se sont retirés mettent en lumière une fracture au sein de l’organisation. Pour continuer à exister et à jouer un rôle central en Afrique de l’Ouest, la Cédéao devra impérativement se réformer. Amandine Gnanguénon estime que cette réforme passe par un retour aux principes fondateurs de l’organisation, à savoir une intégration économique et politique renforcée. Un retour aux populations, avec une meilleure communication sur ses actions, semble également crucial. En effet, la Cédéao souffre d’un important déficit de visibilité auprès des citoyens de la région.
Si la réforme de la Cédéao dépend avant tout des chefs d’État, c’est à travers la Conférence des Présidents que les décisions seront prises. La volonté politique des dirigeants est déterminante pour assurer un renouvellement de l’organisation et la mettre sur la voie de la réintégration de ses membres dissidents. La question qui se pose désormais est de savoir si ces leaders réussiront à se mettre d’accord sur une vision commune pour l’avenir de la Cédéao, notamment face aux nouveaux défis géopolitiques.
Sur le plan économique, la Cédéao a connu des avancées notables, mais aussi des échecs. L’un de ses plus grands succès reste la libre circulation des personnes et des biens grâce à la carte d’identité Cédéao, qui permet aux citoyens de voyager sans visa entre les pays de la région. Toutefois, l’intégration économique reste partielle, et de nombreux projets d’infrastructures sont en retard. Par exemple, seuls les corridors de transport entre Abidjan et Lagos sont opérationnels, tandis que les autres réseaux restent inachevés. En conséquence, le commerce intrarégional stagne à moins de 15% du total des exportations, ce qui montre l’incapacité de l’organisation à dynamiser véritablement l’économie ouest-africaine.
En somme, la Cédéao se trouve à un carrefour décisif de son histoire. La question de son avenir réside dans sa capacité à se réformer pour répondre aux attentes des populations et à regagner la confiance des pays membres. Une révision de son rôle économique et politique est essentielle, mais elle devra être accompagnée d’une action concertée et d’une gestion plus cohérente de la sécurité régionale. Seule une véritable volonté collective pourra permettre à la Cédéao de relever les défis actuels et de continuer à jouer un rôle de leader en Afrique de l’Ouest.