Le président centrafricain Faustin-Archange Touadéra a annoncé le lancement, ce 21 juin, d’un nouveau projet de « tokenisation » de terres agricoles. En échange d’un investissement de 250 dollars dans le CARmemecoin — une cryptomonnaie nationale en mal de crédibilité — les investisseurs se voient octroyer un terrain de 3 000 m² pour une durée de 99 ans, situé près de Bossongo, à une cinquantaine de kilomètres de Bangui.
Présentée comme un levier de développement économique, cette initiative vise à attirer les capitaux étrangers et à donner un second souffle à un projet crypto qui peine à convaincre. Selon le président, ces investissements pourraient financer des services publics et favoriser l’exploitation des ressources agricoles et minières. Le compte officiel du CARmemecoin évoque des usages concrets : plantation d’ananas, exploitation de palmiers à huile ou construction de maisons dans un cadre qualifié d’« exotique ». La relance du CARmemecoin occupe désormais l’essentiel des publications du chef de l’État sur X (ex-Twitter), rédigées exclusivement en anglais pour capter l’attention d’un public globalisé.
Cette tentative intervient trois ans après l’échec cuisant du sangocoin, la première cryptomonnaie nationale lancée par Bangui. Le CARmemecoin, son successeur, s’apparente davantage à un meme coin, sans utilité réelle, et n’a pour l’instant suscité que peu d’engouement durable. En février dernier, son cours s’était effondré en quelques jours, perdant 95 % de sa valeur. Aujourd’hui, le jeton vaut à peine 0,04 dollar, malgré une capitalisation théorique de 40 millions de dollars.
Face à cette relance, de nombreux experts s’interrogent sur la viabilité du projet. L’économiste Quentin Demé, spécialiste des actifs numériques, s’inquiète du flou juridique qui entoure cette initiative. Il souligne notamment que la tokenisation des terres aurait pu s’appuyer sur des infrastructures éprouvées comme celles du bitcoin ou de l’ethereum, plutôt que sur un jeton encore instable et peu utilisé. L’absence de cadre réglementaire clair soulève par ailleurs des questions quant à la protection des investisseurs.
Si le président Touadéra vante une « innovation de rupture », cette opération semble surtout guidée par une volonté de montrer l’ouverture technologique du régime, dans un pays classé parmi les plus pauvres du monde. La promesse d’une nouvelle source de revenus pour l’État reste pour l’instant hypothétique, tant les fondamentaux du projet semblent fragiles. En toile de fond, ce coup de projecteur sur le CARmemecoin pourrait également servir à détourner l’attention des difficultés politiques internes et des critiques croissantes sur la gouvernance.