Le 28 mai 2025 marque le cinquantième anniversaire de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao). Malgré ses ambitions initiales, l’organisation peine à tenir ses promesses. Si la libre circulation des biens et des personnes entre douze pays est une réalité et a permis de renforcer les liens économiques, les défis restent nombreux, tant sur le plan politique qu’économique.
Depuis sa création par le Traité de Lagos en 1975, la Cédéao a indéniablement facilité les échanges intra-régionaux. La simplification des déplacements, grâce à un seul document de voyage, a permis à de nombreux Ouest-Africains de s’implanter dans d’autres pays membres, favorisant une dynamique économique locale. L’exemple du géant nigérian Dangote au Niger ou des commerçants ghanéens à Abidjan illustre cette interconnexion croissante. Pourtant, cette intégration reste fragile : le commerce intra-régional stagne à moins de 15 % du total des échanges, les infrastructures sont inachevées, et l’essentiel du commerce continue de se faire dans l’informel.
Au fil des décennies, la Cédéao s’est confrontée à des crises politiques et économiques récurrentes. La tentative d’instaurer une monnaie unique, l’ECO, s’est enlisée. Le poids démographique et économique du Nigeria, combiné à un leadership fragmenté et à des financements insuffisants (avec de nombreux États membres en retard de cotisation), ont limité l’efficacité de l’organisation. Les départs récents du Burkina Faso, du Mali et du Niger, formant l’Alliance des États du Sahel, aggravent cette crise de légitimité.
Un des rares succès tangibles est le système d’échange d’énergie électrique ouest-africain (WAPP), qui a interconnecté 7 000 km de lignes électriques et permis une meilleure distribution de l’énergie. Ce marché régional, appuyé par la Cédéao et des bailleurs de fonds comme la Banque africaine de développement, vise une couverture de 70 à 75 % des besoins en électricité d’ici 2030. Cependant, les récents départs de certains États pourraient freiner ces projets à long terme. En parallèle, la gouvernance régionale reste faible : les sanctions et embargos mal gérés, et l’absence de consensus sur les grandes orientations, fragilisent encore l’organisation.
Pour Carlos Lopes, économiste bissau-guinéen, la Cédéao était autrefois un modèle avancé d’intégration en Afrique, mais elle est désormais confrontée à une « perte de cap », aggravée par le retrait de plusieurs pays et l’enlisement des réformes. Ce constat est partagé par des acteurs économiques et sociaux sur le terrain, qui pointent du doigt l’érosion progressive de la légitimité de l’organisation. Des ONG appellent à plus de rigueur dans le respect des normes de gouvernance et des constitutions. Le système de régulation de l’électricité et les efforts d’intégration économique restent à consolider, mais l’essentiel dépendra d’une refonte politique et d’un engagement collectif renouvelé.
Les célébrations du cinquantenaire se déroulent à Lagos, au Nigeria, dans une ambiance résolument sobre et introspective. Pas de festivités grandioses, mais un retour symbolique aux sources, avec la présence attendue de chefs d’État et de Yakubu Gowon, dernier père fondateur vivant. Cette commémoration met en lumière les fragilités et les espoirs d’une Cédéao à la croisée des chemins, sous le regard attentif des dirigeants et des populations ouest-africaines.