Lors d’une audition au Congrès ce mardi 10 mai, la cheffe du renseignement américain Avril Haines a indiqué que ses services s’attendaient à un conflit prolongé en Ukraine et à ce que l’armée russe poursuive son avancée au-delà du Donbass.
Ayant renoncé à s’emparer de Kiev, l’armée russe s’est déployée dans le sud et l’est du pays, officiellement pour « libérer » les régions séparatistes de Donetsk et Lougansk, dans le Donbass. La manœuvre pourrait permettre à Moscou de contrôler totalement la mer d’Azov et assurer une continuité territoriale avec la Crimée, que Moscou a annexée en 2014.
Mais ce repositionnement autour du Donbass « n’est que temporaire », a déclaré Avril Haines lors d’une audition au Congrès, au moment où les élus s’apprêtent à débloquer une énorme rallonge budgétaire de 40 milliards de dollars pour l’Ukraine. « Nous estimons que le président Poutine se prépare à un conflit prolongé en Ukraine, durant lequel il a encore l’intention d’atteindre des objectifs au-delà du Donbass », a-t-elle poursuivi. Selon la cheffe du renseignement américain, l’armée russe veut poursuivre son avancée pour créer un « pont terrestre » dans le sud de l’Ukraine, jusqu’au grand port d’Odessa et à la frontière moldave.
L’hypothèse de la mobilisation générale
Les services de renseignement américains estiment que l’armée russe compte « étendre » ce pont terrestre à la Transnistrie, cette région de Moldavie qui a fait sécession en 1990, lors de l’effondrement de l’Union soviétique, et où l’armée russe dispose d’une base militaire. Mais s’il est « possible » que les forces russes réalisent cet objectif dans les mois qui viennent, « ils ne pourront atteindre la Transnistrie et inclure Odessa sans décréter une forme de mobilisation générale », a souligné Avril Haines.
Le président russe « compte probablement sur un affaiblissement de la détermination des États-Unis et de l’Union européenne lorsque les pénuries de biens alimentaires et la hausse des prix de l’énergie vont s’aggraver », a encore prévenu celle qui supervise l’ensemble des agences de renseignement américaines, y compris la CIA et la NSA.
Notant que les ambitions de Vladimir Poutine dépassaient les capacités de l’armée russe, Avril Haines estime que le conflit en Ukraine risque de prendre « une trajectoire plus imprévisible et potentiellement une escalade ». Le chef du Kremlin pourrait ainsi instaurer la loi martiale et réorienter la production militaire.
L’arme nucléaire en cas de « menace existentielle »
Le chef de l’agence du renseignement militaire, le général Scott Berrier, a quant à lui fait état d’un « enlisement » dans les combats entre forces russes et ukrainiennes. Mais cela pourrait changer si Moscou déclare formellement la guerre et mobilise davantage de forces, a-t-il noté. Des milliers de soldats supplémentaires rejoindraient alors les combats, ce qui aurait « un effet de masse », a averti le général.
Avril Haines a réaffirmé que Washington ne pensait pas que Vladimir Poutine soit prêt à faire usage de l’arme nucléaire. « Nous continuons de penser que le président Poutine n’ordonnera l’usage de l’arme nucléaire que s’il perçoit une menace existentielle pour l’État ou le régime russe », a-t-elle noté.
Le président russe pourrait néanmoins y recourir « s’il pense qu’il perd la guerre en Ukraine et que l’Otan est soit en train d’intervenir, soit se prépare à intervenir », a-t-elle précisé. Mais, même dans cette hypothèse, « il est probable qu’il enverrait des signaux » avant de le faire.
(Avec AFP)