Le 6 juillet, les Comores célèbrent le 50e anniversaire de leur indépendance, acquise en 1975. Si cette date marque une étape symbolique pour le pays, elle relance aussi une interrogation persistante : la démocratie comorienne a-t-elle tenu ses promesses ? Depuis 2016, le président Azali Assoumani, déjà au pouvoir entre 1999 et 2002, règne sur l’archipel. Sa réélection en 2024 reste contestée par une opposition marginalisée, tandis que le régime est accusé de dérives autoritaires.
Houmed Msaïdié, conseiller spécial du président Azali, se félicite des progrès accomplis depuis l’indépendance, notamment dans l’éducation, la santé et les infrastructures. Il attribue les critiques de l’opposition à son incapacité à convaincre électoralement. Selon lui, les avancées sont indéniables et l’indépendance reste un motif de fierté nationale. À ses yeux, le président Azali reste légitime, les opposants n’ayant ni programme ni assise politique solide.
Mais pour les figures de l’opposition interrogées, le tableau est bien plus sombre. Mouigni Baraka Saïd Soilih rappelle que sur cinq décennies, seuls quinze ans peuvent être considérés comme véritablement démocratiques. L’histoire comorienne est jalonnée de coups d’État, de gouvernements militaires et d’élections controversées. Le régime d’Azali, en particulier, est accusé de verrouiller les institutions : nomination unilatérale des juges de la Cour suprême, commission électorale inféodée au pouvoir, harcèlement des partis d’opposition.
Alors que le pays entre dans une nouvelle décennie post-indépendance, les perspectives politiques restent incertaines. L’opposition continue d’exiger des réformes électorales et institutionnelles, sans visibilité sur une alternance crédible. La concentration du pouvoir exécutif, la répression des voix dissidentes et l’absence de dialogue politique réel laissent planer un doute sur l’évolution démocratique du pays. De nombreux acteurs politiques se trouvent en exil ou en prison, ce qui réduit considérablement le champ de la pluralité.
Pour l’opposant Fahmi Saïd Ibrahim, le déclin démocratique va de pair avec un échec économique profond. Le pays, avec un PIB de seulement 1,4 milliard de dollars pour moins d’un million d’habitants, reste confronté à une pauvreté structurelle. L’éducation, la santé et les services publics sont dans un état de délabrement avancé. Il estime que l’absence d’alternance démocratique bloque toute réforme sérieuse, enchaînant les Comores dans un cycle d’immobilisme et de dépendance.
Alors que les festivités du 50e anniversaire se préparent, le fossé entre discours officiel et réalité vécue par la population semble se creuser. L’indépendance est célébrée comme une conquête, mais les critiques sur la gouvernance autoritaire et l’échec du développement s’accumulent. Ce demi-siècle marque autant un jalon de souveraineté que le constat d’une trajectoire politique inaboutie. Aux Comores, l’indépendance est acquise ; la démocratie, elle, reste à construire.