Le 9 août, Succès Masra, président du parti politique Les Transformateurs, a été condamné à 20 ans de réclusion criminelle par la première chambre de la cour criminelle du Tchad. Le verdict a suscité une vive réaction de la part du parti, qui dénonce cette décision comme une « honte » pour la justice tchadienne. Le rassemblement qui a suivi à N’Djaména a été marqué par l’indignation des cadres du parti, qui remettent en question la légitimité de la condamnation.
Les responsables du parti, dont le deuxième vice-président, Dr Sitack Yombatinan Béni, ont fermement contesté le verdict, soulignant l’absence de preuves matérielles pour justifier la condamnation. Selon lui, en droit pénal, la culpabilité d’un accusé doit être étayée par des éléments tangibles, ce qui n’aurait pas été le cas dans cette affaire. Dr Sitack a aussi pris position sur le plan moral, évoquant des versets bibliques pour dénoncer la justice injuste, et appelant à la prière pour que la justice tchadienne retrouve son intégrité.
Le procès de Masra trouve son origine dans des accusations graves liées à l’attaque du village de Mandakaou en mai 2024, qui a fait 76 morts. Le leader des Transformateurs est accusé d’avoir incité à la violence en diffusant un message audio appelant les habitants à s’armer. Selon l’accusation, cet appel à la mobilisation aurait été une réponse à la tragédie de Mandakaou, bien que la défense argue que l’audio en question datait de mai 2023, bien avant les événements fatals, et qu’il ne pourrait avoir d’impact qu’en 2025.
Cette condamnation intervient dans un contexte politique tendu, marqué par un climat de répression de l’opposition au Tchad. Le gouvernement tchadien, dirigé par le président Mahamat Idriss Déby Itno, a intensifié la répression contre les figures de l’opposition, avec des arrestations et des intimidations régulières. Les Transformateurs, un des partis d’opposition les plus influents, ont vu dans cette condamnation une nouvelle étape d’un harcèlement politique contre leurs dirigeants, visant à les affaiblir et à étouffer toute contestation au régime en place.
Les perspectives qui s’ouvrent après cette décision sont lourdes. Si les avocats de Masra annoncent leur intention de faire appel, l’issue de cette procédure pourrait avoir des conséquences politiques majeures. L’opposition pourrait utiliser cet épisode pour galvaniser ses partisans et intensifier la pression sur le gouvernement, tandis que le régime pourrait voir dans cette condamnation une victoire symbolique dans sa lutte contre les voix dissidentes. La communauté internationale, quant à elle, pourrait s’inquiéter de l’impact sur la stabilité politique et démocratique du Tchad.
Le débat autour de cette affaire ne se limite pas uniquement au cas de Masra. Il touche à la question plus large de l’indépendance de la justice et des droits de l’homme au Tchad. Si le pouvoir en place parvient à maintenir cette condamnation, il enverra un message fort aux opposants politiques : la répression des voix dissidentes est inacceptable. Mais, dans le même temps, cela pourrait aussi renforcer la détermination des militants et des partis d’opposition à continuer de dénoncer les dérives autoritaires du régime.