Le président congolais Denis Sassou-Nguesso a reconnu, le 24 octobre 2025, avoir lui-même ordonné la traque des gangs urbains qui sèment la terreur à Brazzaville. Depuis près d’un mois, des unités d’élite de la sécurité présidentielle mènent une vaste opération contre les “bébés noirs”, ou “Kulunas”, accusés de violences meurtrières dans la capitale.
Devant la foule réunie pour l’inauguration du complexe scolaire « Liberté », dans le sixième arrondissement de Brazzaville, le chef de l’État a justifié son choix. Selon lui, les forces de police et de gendarmerie peinaient à contenir ces bandes criminelles, connues pour leurs agressions armées et leurs extorsions. “J’ai vu que l’opération patinait avec les autres corps de sécurité, j’ai ordonné à la sécurité présidentielle d’intervenir”, a-t-il déclaré, rappelant qu’il avait déjà recouru à cette unité lors des opérations militaires dans le Pool entre 1998 et 2002.
Les “Kulunas”, apparus au début des années 2000, constituent depuis des années un fléau dans les grandes villes congolaises. Nés dans les quartiers populaires, ces groupes violents imposent leur loi par la machette et la peur. Malgré plusieurs campagnes de désarmement et d’arrestations, les autorités n’ont jamais réussi à éradiquer le phénomène. La population, lasse des promesses non tenues, accueille donc cette nouvelle offensive avec un mélange d’espoir et d’inquiétude.
Depuis l’entrée en action des soldats d’élite, plusieurs membres présumés de gangs ont été tués, tandis que des maisons appartenant à des familles jugées complices ont été rasées. Aucun bilan officiel n’a encore été communiqué. Sassou-Nguesso a néanmoins annoncé que l’opération s’étendrait à Pointe-Noire et à d’autres villes où les délinquants se réfugient. “On les traquera jusque dans les autres villes”, a-t-il averti, donnant ainsi le ton d’une campagne sécuritaire appelée à durer.
Si une partie de la population soutient cette fermeté, des voix s’élèvent pour dénoncer une dérive autoritaire et des exécutions extrajudiciaires. Les associations de défense des droits humains rappellent que l’usage de la sécurité présidentielle, un corps militaire placé directement sous les ordres du chef de l’État, brouille la frontière entre maintien de l’ordre et répression politique. D’autant plus que le pays reste marqué par les violences du passé, notamment celles des opérations dans le Pool, citées par le président lui-même.
À un an d’échéances électorales potentielles et dans un contexte de contestation latente, cette opération pourrait aussi servir à restaurer l’image d’un pouvoir vieillissant. En apparaissant comme le garant de la sécurité et de l’ordre, Denis Sassou-Nguesso renforce son autorité sur l’appareil d’État et envoie un message clair à ses adversaires : il garde la main sur la force. Mais à quel prix pour les libertés publiques ? C’est là que se jouera, une fois encore, l’équilibre fragile entre stabilité et autoritarisme au Congo-Brazzaville.



