Le Comité pour la sauvegarde de l’intégrité (CSI), organe indépendant du système de lutte contre la corruption à Madagascar, tire la sonnette d’alarme. Si rien ne change d’ici septembre, le pays basculera sur la liste des pays à risques du Gafi, l’organisme intergouvernemental de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Cette inscription vaudrait à la Grande Île des sanctions financières lourdes, mais aussi des contraintes qui vont impacter sur les Malgaches, quel que soit leur niveau social.
Depuis 2018, Madagascar fait l’objet d’une surveillance accrue de la part des évaluateurs du Gafi. Le pays est en effet aux portes de cette fameuse « liste grise ». Un listing regroupant les États dont les juridictions sont considérées comme risquées pour le système financier international.
Sahondra Rabenarivo, la présidente du CSI, prévient : « Être sur liste grise, c’est envoyer un signal comme quoi Madagascar n’a pas un dispositif de lutte contre le blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme. Donc ça veut dire que nous sommes un pays à risque et dès qu’il y a une transaction financière de n’importe quelle nature vers Madagascar ou en provenance de Madagascar, ça va soulever des contrôles supplémentaires. On sous-estime en ce moment la facilité d’envoyer et recevoir de l’argent de l’extérieur dans ce monde mondialisé. Toute transaction bancaire sera ralentie. »
Faire réviser la loi anti-blanchiment…
L’élite bancarisée ne sera pas la seule à être impactée. Selon Sahondra Rabenarivo, l’ensemble de la population pâtira de ces nouvelles règles plus contraignantes, et plus onéreuses aussi. « Quelle que soit la transaction financière, son prix augmentera. Par exemple, l’importation de biens et de services que le Malgache de brousse achète, comme les PPN (produits de première nécessité) ou n’importe quel matériau de construction, coûtera plus cher. Parce que les contrôles supplémentaires, de factures par exemple, ont un coût. Il y aura donc des frais, des délais, des difficultés supplémentaires. De même, si vous avez votre enfant qui étudie en France et que vous lui envoyez de l’argent pour payer son loyer, les banques pourront vous questionner sur la provenance de l’argent et vous demander des justificatifs. »
Tout est « encore jouable », affirme le CSI. Seulement, il faut faire vite. Rendre opérationnelle l’agence de recouvrement des avoirs illicites, faire réviser la loi anti-blanchiment, mettre en place des groupes d’action interministériels. « Maurice a été placée sur liste grise ; ils ont mis deux longues années à en sortir », rappelle, comme un avertissement, le CSI.
De son côté, le président de la République, Andry Rajoelina, de retour lundi 25 avril de Washington, s’est félicité d’être éligible au Millenium Challenge Corporation (MCC), cette agence d’aide américaine qui octroie des subventions aux États désireux de réduire la pauvreté sur leur territoire. Une information rapidement démentie par plusieurs observateurs, à commencer par le CSI. « On n’est pas encore éligibles au MCC. On doit encore s’améliorer sur les questions de lutte contre la corruption d’ici à la réunion trimestrielle du conseil d’administration. » Les notations du Gafi seront évidemment prises en compte dans les critères d’attribution du MCC.