À Madagascar, la corruption gangrène jusqu’à l’école, censée être un sanctuaire de savoir et d’égalité. Selon un rapport publié le 5 août par Transparency International Initiative Madagascar (TI-IM), les pratiques frauduleuses dans le système éducatif sont massives et profondément ancrées. Entre pots-de-vin, ventes de sujets d’examens, et favoritisme, le rapport dénonce un phénomène qui compromet l’accès équitable à l’éducation et mine la légitimité des diplômes délivrés.
Sur le terrain, les formes de corruption sont diverses et parfois violentes. Les parents sont parfois contraints de soudoyer des enseignants ou de recourir à des relations dans l’administration pour assurer la réussite scolaire de leurs enfants. Des enseignants sous-payés admettent monnayer leurs services, quand d’autres vont jusqu’à proposer des faveurs sexuelles en échange de bonnes notes. La parole de Liantsoa Rakotoarivelo, chargée de projet éducation à TI-IM, donne à voir une situation où l’inégalité devient la norme, et l’école un marché.
La Constitution malgache garantit la gratuité de l’école publique. Pourtant, la réalité est toute autre. Le rapport de TI-IM, basé sur les témoignages de près de 5 000 élèves, parents et enseignants, révèle que 40 % des personnes interrogées affirment avoir été victimes de corruption scolaire, tandis que 81 % en ont été témoins. Ce silence collectif, motivé par la peur ou l’indifférence, illustre l’impunité généralisée et l’incapacité de l’État à faire respecter ses propres lois.
Cette corruption systémique ne se contente pas de saboter les trajectoires individuelles. Elle perpétue un cycle où les plus jeunes intègrent la corruption comme un mécanisme ordinaire de réussite. La confiance dans l’institution scolaire s’effondre, et avec elle, l’idée d’un mérite fondé sur l’effort. Les répercussions dépassent donc largement le cadre de l’école : elles compromettent les fondements mêmes de la citoyenneté et de la gouvernance future.
Transparency International ne se contente pas de dresser un constat. L’ONG recommande de créer des centres d’écoute dans les établissements, de former les enseignants à l’éthique, et d’enseigner les valeurs d’intégrité dès le plus jeune âge. Mais sans volonté politique forte et sans réforme structurelle du financement de l’éducation, ces solutions risquent de rester lettre morte. Le rapport interpelle donc autant la société civile que les autorités, face à un problème qui, s’il n’est pas résolu, continuera à reproduire l’injustice.
Ce qui ressort du rapport, au-delà des chiffres, c’est la normalisation de la corruption dans l’esprit des Malgaches. Le fait que plus de huit répondants sur dix aient déjà eu connaissance d’actes de corruption, sans que cela ne suscite d’indignation collective, en dit long sur l’ampleur du désenchantement. Le défi est donc aussi culturel : redonner sens à l’école publique comme levier d’émancipation sociale et comme lieu où l’intégrité prime sur les arrangements.