Les ministres de la Réconciliation nationale, de la Solidarité et de la Fonction publique ont procédé, mercredi 8 mars, à la remise des corps des victimes de la crise de 2010-2011, qui avait fait près de 3 000 morts. À Bloléquin, beaucoup de familles de victimes ont quitté la zone après les violences de mars 2011. Faire le lien entre les victimes et leurs familles n’est pas simple. Là-bas, le travail d’identification a été complexe, et les familles oscillent entre soulagement et peine profonde.
Nesma Bah a perdu trois proches dans les attaques survenues à Bloléquin en mars 2011. Ces attaques furent perpétrées par des miliciens provenant du Liberia, notamment dans l’enceinte de l’ancienne préfecture, où de nombreuses personnes s’étaient réfugiées. Douze ans après les faits, un seul membre de sa famille a pu être identifié. Il confie, en marge de la cérémonie de restitution des corps des victimes :
« Nous, en réalité, on avait oublié. Aujourd’hui, on sort de cette salle et nous allons tourner la page. Il faut aller de l’avant, regarder devant. Tout a déjà été planifié pour les funérailles de notre frère, qu’il soit dignement enterré. »
À ses côtés, dans la salle exiguë de la préfecture où la cérémonie a été organisée, figure Roger Ka. Ce vieil homme a perdu sa mère en mars 2011. À contrecœur, en 2015, il finit par accepter que sa dépouille, enterrée dans son jardin, soit exhumée et transférée à Abidjan pour les besoins de l’enquête. Mais pendant huit ans, Roger Ka a senti la peine et la frustration monter en lui :
« Pour moi, cette journée ne veut absolument rien dire. 1,5 million de francs CFA ne peuvent pas me suffire pour m’occuper non seulement de moi-même, mais aussi de mes enfants. En tout cas, les moyens ne m’intéressent pas ! C’est la vie de ma mère qui m’importait. »
À Bloléquin, sur 58 corps exhumés, seuls 12 ont pu être identifiés. Dix ont été remis à leurs proches. Pour la quarantaine de familles restantes, l’absence de dépouilles est une source d’interrogation. « Le processus se poursuit », assure Kouadio Konan Bertin, le ministre de la Réconciliation nationale.
Nous sommes venus procéder à la restitution de ces corps pour faire le deuil définitif de la guerre…
Trois organisations de défense des droits de l’Homme estiment que la loi d’amnistie présidentielle d’août 2018 « a eu pour effet d’annuler tous les efforts de justice entrepris jusque-là ». Conséquence : « Aucune des victimes de Guiglo, Bloléquin ou Toulepleu n’a obtenu justice pour les crimes subis pendant la crise. »