Dieudonné Mbeleg, Franco-Camerounais de 56 ans, dirige le centre pénitentiaire de Nantes, l’un des plus importants de l’ouest de la France. L’établissement, éclaté sur 11 hectares, rassemble quatre unités distinctes, 1 800 détenus et 600 agents. Un ensemble qu’il compare volontiers à « une ville dans la ville », marqué par une surpopulation chronique.
Avec 508 places théoriques mais près de 1 000 détenus, la maison d’arrêt affiche un taux d’occupation de plus de 200 %. Les cellules accueillent parfois quatre personnes, certaines dormant sur des matelas posés au sol. « C’est un casse-tête permanent, reconnaît le directeur. À ce niveau, cela devient intenable. » Chaque jour, il doit jongler entre impératifs de sécurité, dignité des détenus et conditions de travail des surveillants.
Né au Cameroun dans une famille modeste, Dieudonné Mbeleg incarne une trajectoire de réussite de la diaspora africaine. Après des études scientifiques débutées dans son pays natal, il poursuit son cursus en France avant d’intégrer l’École nationale d’administration pénitentiaire. De Borgo en Corse à Avignon-Le Pontet, il gravit les échelons, jusqu’à prendre la tête d’établissements de haute sécurité. « Je ne m’étais jamais dit que je n’y arriverais pas. Le travail et la confiance de mes supérieurs m’ont permis d’avancer », explique-t-il.
Diriger une prison signifie être disponible à tout moment, gérer l’urgence et rassurer ses équipes. « Le matin, vous ne savez pas ce qui vous attend. Vous devez décider vite, rester joignable 24 heures sur 24, mais aussi inspirer confiance à vos collaborateurs », résume-t-il. Ce rôle, qu’il qualifie de « mission noble », repose sur une stratégie claire face à la complexité d’un centre éclaté et surpeuplé.
Malgré les pressions, Dieudonné Mbeleg affirme se sentir « à sa place ». Sa légitimité, il la tire autant de son parcours que de sa vision : diriger avec humanité et fermeté, tout en assumant les contradictions d’un système pénitentiaire en crise. « Lorsque l’on enferme des personnes, il faut accepter qu’elles réagissent. Notre rôle est de gérer ces réactions, sans faiblesse mais sans perdre de vue leur humanité », insiste-t-il.
Toujours souriant et humble, ce père de quatre enfants mesure le chemin parcouru. Mais sa réussite individuelle ne masque pas les défis structurels. La surpopulation carcérale reste un problème national majeur, auquel même les plus expérimentés peinent à apporter une réponse. À Nantes comme ailleurs, le défi dépasse la seule compétence d’un directeur : il interroge les choix politiques de la France face à son système pénitentiaire saturé.