Dans un communiqué rendu public, hier lundi 14 Août 2023, le Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP) a annoncé sa décision de rappeler l’Ambassadeur du Niger en poste à Abidjan, en Côte d’Ivoire, « pour consultation ». Selon le porte-parole de la junte, cette décision fait suite aux propos « exagérément menaçants de Alassane Ouattara, Président de la République de Côte d’Ivoire, relayant et prenant pour son compte, avec une agressivité notoire, les conclusions du Sommet Extraordinaire de la CEDEAO du 10 Août 2023, concernant les mesures et sanctions à l’encontre du Niger et son peuple ». Des propos que les autorités nigériennes ont qualifiés d’ « apologie à l’action armée contre le Niger. Il reste à savoir si l’ambassadeur Abdoulaye Diori, gendre de Hassoumi Massaoudou, l’ancien-chef de la diplomatie du régime de Bazoum Mohamed, va se soumettre à cette injonction, au risque d’amplifier la crise diplomatique désormais ouverte entre Niamey et Abidjan.
Dans le communiqué lu à la télévision publique, le colonel Major Amadou Abdourahamane a riposté avec des termes très et donc pas du tout diplomatique aux propos tenus le 10 aout dernier par le chef de l’Etat ivoirien lors de la conférence de presse qu’il a animé de retour à Abidjan où les Chefs d’Etats de la Cédéao avaient décidé de maintenir les sanctions contre le Niger, en plus d’activer la force en attente pour préparer une intervention au Niger. Ces sanctions, a indiqué le porte-parole de la CNSP, à la fois « iniques et illégales, et la précipitation qui les caractérise, attestent de la manipulation orchestrée par certaines puissances extérieures pour un agenda inavoué, et sont loin de faiblir la détermination des nigériens à opérer le changement nécessaire pour le redressement du pays et la sauvegarde des intérêts de son peuple ».
Pour le CNSP, c’est donc avec « stupeur que les nigériens ont suivi cette apologie de l’action armée contre le Niger, prônée par le Président Alassane Ouattara, dans une volonté acharnée de détruire le pays et son peuple, pour soi-disant ramener un régime dont les nigériens avalent hâte de s’en séparer, comme en témoignent les manifestations spontanées des populations à l’action salvatrice du 26 juillet 2023 ». En effet, poursuit le communiqué, « loin d’être l’expression de la volonté du peuple ivoirien frère, dont l’amitié avec le peuple nigérien est sans équivoque, cette déclaration inhabituelle du Président Ouattara et son empressement à vouloir se réaliser cette agression, à tous points illégale et insensée, contre le Niger, reflète en réalité une injonction adressée à lui et à certains de ses pairs de la CEDEAO, par d’autres puissances extérieures, dans le but de préserver des intérêts qui ne correspondent plus à ceux du Niger d’aujourd’hui ». C’est pourquoi, a justifié le colonel-major Abdourahamane, le CNSP et le gouvernement du Niger expriment leur « rejet total des propos tenus par le Président Alassane Ouattara qui vont au-delà de la position commune de l’Organisation sous-régionale, elle-même dénuée de fondement légal, et décident du rappel de l’Ambassadeur du Niger à Abidjan, pour consultation ».
Les déclarations de Ouattara qui ne passent pas pour le CNSP
Il convient de rappeler que lors de cette conférence de presse, le président Ouattara qui commentait les décisions issues du Sommet tenu le même jour à Abuja, au Nigeria, a annoncé l’envoi d’un bataillon ivoirien de 850 à 1.100 soldats pour participer l’opération du rétablissement de l’ordre constitutionnel au Niger après le renversement du président Mohamed Bazoum par un coup d’Etat, le 26 juillet 2023. A l’en croire, En plus de la Côte d’Ivoire, le Nigéria et le Bénin se sont engagés aussi à mobiliser des troupes et d’autres pays pourraient s’y joindre à la coalition armée. « La Côte d’Ivoire fournira un bataillon et a pris toutes les dispositions financières pour l’opération. (…)La Côte d’Ivoire est prête. Et je viens de donner instruction au chef d’Etat major général des armées de commencer la mobilisation de ses troupes pour leur participation à cette opération de la CEDEAO », a-t-il indiqué avant de révéler que la conférence des chefs d’Etat a donné son accord pour que l’opération démarre dans les « plus brefs délais ».
Selon le Président ivoirien le Nigéria et le Bénin aussi décidé de mobiliser des troupes pour participer à l’opération militaire au Niger en cas d’échec de la diplomatie. «Nous sommes déterminés à réinstaller le Président Bazoum dans ses fonctions de président démocratiquement élu du Niger», a prévenu le président Ouattara qui a saisi l’occasion pour rappeler que l’objectif de l’opération est de restaurer la paix et la stabilité dans la sous-région pour le bien-être des communautés et le développement de la région ouest africaine. “La CEDEAO ne peut pas accepter ce coup d’État au Niger (…) La décision que nous avons prise, et j’espère qu’elle sera mise en œuvre immédiatement, est une décision de la CEDEAO. Ils gardent le président Bazoum en otage. Je considère personnellement qu’il s’agit d’un acte terroriste. Nous devons agir”, a poursuivi Alassane Ouattara.
Des propos qui ont visiblement irrité les autorités militaires nigériennes et qui ont décidé de rappeler l’ambassadeur en poste à Abidjan. Au lendemain de l’annonce de cette décision du CNSP, le gouvernement ivoirien, n’a pas encore officiellement réagit bien qu’elle a soulevée une vive polémique sur les réseaux sociaux entre commendataires nigériens et ivoiriens. Il reste désormais à savoir si l’ambassadeur Abdoulaye Diori, gendre de Hassoumi Massaoudou, l’ex-chef de la diplomatie du régime de Bazoum Mohamed, va se soumettre à cette injonction du CNSP. On risquerait sinon d’assister à un bras de fer diplomatique qui risque d’amplifier la crise désormais ouverte entre Niamey et Abidjan à l’image de ce qui s’était passé il y a quelques jours entre Paris et Niamey suite au refus de l’ambassadrice Aichatou Boulama Kane de quitter son poste après son rappel par les autorités de Niamey.
Rappelons enfin que l’actuel ambassadeur du Niger à Abidjan a présenté ses lettres de créances le 12 mai 2022 après avoir servi au même poste à Rome, en Italie.
Source : Actuniger