Le président togolais Faure Gnassingbé consolide son rôle de médiateur de l’Union africaine dans la crise des Grands Lacs, multipliant les consultations et les rendez vous internationaux pour tenter de ramener une paix durable entre la République démocratique du Congo et le Rwanda. Sa diplomatie active, qui l’a conduit de Luanda à Washington en passant par Paris, vise à aligner les acteurs régionaux et internationaux derrière une feuille de route commune.
Nommé en avril 2025, le médiateur a immédiatement lancé une série de discussions cruciales. Il s’est entretenu successivement avec les présidents João Lourenço d’Angola, Félix Tshisekedi de RDC, Paul Kagamé du Rwanda, Yoweri Museveni d’Ouganda et Évariste Ndayishimiye du Burundi. Ces rencontres avaient pour objectif d’identifier les griefs de chaque partie, de rétablir un climat de confiance minimale et de préparer un cadre de dialogue. En parallèle, il a organisé à Lomé une concertation avec d’anciens chefs d’Etat africains et des représentants des Nations unies, de l’UA et des Etats Unis pour harmoniser les stratégies.
Cette médiation s’inscrit dans un conflit vieux de plus de trente ans dans l’est de la RDC, un des plus meurtriers depuis la Seconde Guerre mondiale avec plus de dix millions de morts. Les racines en sont complexes, mêlant héritage du génocide rwandais, questions de citoyenneté, rivalités géopolitiques, frontières poreuses et lutte pour le contrôle d’importantes ressources minières. La récurrence des cycles de violence, dont la dernière résurgence implique le groupe M23 soutenu selon Kinshasa par Kigali, a créé une crise humanitaire catastrophique et une défiance profonde entre les deux capitales.
La perspective immédiate la plus tangible est la mise en œuvre de l’accord de paix historique signé à Washington le 4 décembre 2025 sous médiation américaine. Le défi pour Faure Gnassingbé et l’UA sera de maintenir l’élan diplomatique et de s’assurer que cet accord ne subisse pas le sort des dizaines d’accords précédents, non appliqués. Cela implique un mécanisme de suivi robuste, un désengagement des groupes armés et un dialogue politique inclusif en RDC. La pérennité de la paix dépendra également de la capacité à adresser les causes économiques du conflit, notamment le trafic illicite des minerais.
L’efficacité de la médiation togolaise repose en partie sur la posture de Faure Gnassingbé, perçu comme un acteur neutre sans agenda géopolitique direct dans la région, et sur l’expérience diplomatique accumulée par Lomé. Le Togo a su mobiliser un réseau d’appuis variés, de l’Angola, traditionnellement influent dans la région, aux partenaires extra africains comme les Etats Unis, la France et le Qatar. Cette capacité à servir de pont entre les acteurs africains et le reste du monde est un atout clé dans un dossier où les ingérences externes ont souvent compliqué les solutions.
Cependant, le chemin reste semé d’embûches. La méfiance entre Kinshasa et Kigali est structurelle. Sur le terrain, la complexité du maillage de groupes armés et les intérêts économiques opaques constituent des obstacles majeurs à une démilitarisation. La réussite de cette médiation, si elle aboutissait à une pacification durable, renforcerait considérablement le crédit de la diplomatie togolaise et de l’Union africaine dans la gestion de ses propres crises. Elle consacrerait également la montée en puissance d’une génération de médiateurs africains cherchant à reprendre la main sur la résolution des conflits du continent.



