Selon un rapport du Centre d’études stratégiques de l’Afrique, les violences attribuées aux groupes djihadistes ont causé la mort de plus de 150 000 Africains au cours des dix dernières années. Le phénomène s’est aggravé depuis 2023, avec une hausse de 60 % des attaques, particulièrement concentrées en Somalie et dans la bande sahélienne.
Près de 950 000 km², soit deux fois la superficie de la France, échappent désormais à l’autorité des États africains. Ces zones sont devenues le théâtre d’une violence islamiste persistante, mais aussi d’activités criminelles comme la contrebande, les trafics transfrontaliers et le banditisme armé. Alors que l’Afrique du Nord a réussi à contenir la menace et que le Mozambique enregistre un recul, l’expansion djihadiste se poursuit au Sahel et dans le bassin du Lac Tchad.
La région sahélienne concentre les violences les plus meurtrières. Le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (JNIM), affilié à al-Qaïda, serait responsable de 83 % des victimes. Le Burkina Faso illustre la gravité de la crise : il concentre à lui seul 55 % des morts sahéliens et ses forces armées ne contrôlent plus que 40 % du territoire national. Cette perte de contrôle fragilise non seulement l’État mais aussi les populations civiles, premières cibles des attaques.
En Somalie, Al Shabaab reste l’organisation djihadiste la plus structurée et la plus durable, avec un effectif estimé entre 7 000 et 12 000 combattants. Le groupe bénéficie d’un soutien logistique des Houthis du Yémen et finance ses activités grâce à des extorsions, des taxes et des revenus issus du piratage, pour un total de plus de 200 millions de dollars annuels. Contrairement au Sahel, où les civils paient le prix le plus lourd, les violences somaliennes se traduisent surtout par des batailles militaires : les civils représentent à peine 2 % des victimes.
L’étude souligne que la stabilisation de certaines régions, comme l’Afrique du Nord et le Mozambique, ne compense pas l’ampleur des violences en cours dans les foyers les plus instables. Au Sahel, la désagrégation de l’autorité étatique et l’échec des initiatives régionales favorisent l’implantation durable des groupes armés. En Somalie, malgré la présence de forces étrangères, la résilience d’Al Shabaab laisse présager un conflit prolongé.
L’Afrique fait face à un défi sécuritaire de long terme : contenir des mouvements djihadistes capables de s’adapter, de se financer localement et de profiter des failles politiques des États. Le rapport rappelle que la réponse militaire seule ne suffit pas. Sans stratégies de gouvernance solides, ni efforts de développement inclusifs, les zones livrées aux groupes islamistes risquent de s’étendre encore, aggravant la spirale de la violence.