La ville stratégique d’Uvira, dans le Sud-Kivu, est désormais sous le contrôle du groupe politico-militaire AFC/M23. Son entrée, effective depuis le 10 décembre 2025, s’est opérée sans affrontement majeur, marquant une avancée significative du mouvement dans l’est de la République démocratique du Congo. Cette consolidation rapide de positions provoque une colère palpable à Kinshasa et suscite une vive inquiétude sur la scène internationale.
Les combattants de l’AFC/M23, dont le déploiement est soutenu par le Rwanda selon les autorités congolaises, burundaises et des experts onusiens, sillonnent désormais plusieurs quartiers de la ville. Si une activité commerciale timide a repris, les écoles restent fermées et des coups de feu isolés, signalés dans le quartier Songo, témoignent d’une tension persistante. L’état-major du mouvement, par la voix de son chef adjoint Bernard Maheshe Byamungu, a lancé un ultimatum aux militaires burundais qu’il dit encore présents, leur promettant un passage sécurisé vers la frontière, désormais fermée et contrôlée par ses hommes côté congolais.
Cette nouvelle poussée du M23 s’inscrit dans un conflit vieux de près de trois décennies dans l’est de la RDC, un territoire miné par la richesse de son sous-sol et la faillite chronique de l’État central. Le groupe, réapparu fin 2021 après une défaite en 2013, a considérablement étendu son emprise au Nord-Kivu en 2024 avant de se redéployer vers le Sud. Son offensive actuelle intervient dans un contexte géopolitique complexe, marqué par des accusations récurrentes de Kinshasa contre le soutien rwandais aux rebelles et par la présence controversée de troupes burundaises sur le sol congolais dans le cadre d’une mission régionale.
Les perspectives sont alarmantes. La prise d’Uvira, ville située à la frontière avec le Burundi et près du Rwanda, fait redouter une extension régionale du conflit. La communauté internationale, saisie d’urgence, craint un embrasement de toute la région des Grands Lacs. À Kinshasa, la pression monte sur le président Félix Tshisekedi pour une réaction militaire et diplomatique ferme, tandis que l’accord de paix signé à Washington apparaît plus que jamais comme un cadavre politique. La fermeture de la frontière menace également de couper une artère commerciale vitale et d’aggraver une crise humanitaire déjà décrite comme la deuxième plus grave du continent.
La crise a été portée d’urgence à l’ordre du jour du Conseil de sécurité des Nations unies. Plusieurs membres permanents, dont la France, ont dénoncé l’offensive du “M23 soutenu par l’armée rwandaise”, soulignant la menace directe pour la sécurité du Burundi. Des pays comme le Danemark, la Corée du Sud et la Grèce ont exprimé leur profonde inquiétude face à un risque de “conflit international”. La Russie, quant à elle, a pointé une région “au bord d’un vaste conflit” et l’aggravation de la catastrophe humanitaire.
Les réactions dans la région sont diamétralement opposées. Le président rwandais Paul Kagame a nié toute violation de l’accord de Washington, rejetant la responsabilité sur le Burundi qu’il accuse d’avoir déployé des milliers de soldats pour s’en prendre aux populations rwandophones. À l’inverse, le président burundais Évariste Ndayishimiye a dénoncé une agression contre la RDC. À Kinshasa, la majorité présidentielle appelle à une mobilisation nationale et à des sanctions effectives contre Kigali, alors que l’opposition politique observe pour l’instant un silence pesant, symptôme d’une crise qui dépasse les clivages partisans et place le pays devant l’un de ses plus graves défis sécuritaires de la décennie.



