Malgré son immense potentiel minier, l’Afrique ne capte que 10 % des dépenses mondiales en exploration. Pour y remédier, plusieurs pays misent sur la numérisation des données géologiques. La République démocratique du Congo (RDC) a franchi un cap le 17 juillet 2025, en signant un accord avec l’américain KoBold Metals visant, entre autres, à digitaliser ses données minières. Objectif : faciliter l’accès à l’information pour les investisseurs et intégrer une dynamique continentale déjà amorcée ailleurs.
Cette orientation n’est pas nouvelle. Dès 2003, la Namibie ouvrait la voie avec sa plateforme Earth Data Namibia. L’Afrique du Sud lui a emboîté le pas en 2011 avec le portail SAMRAD. Suivirent la Tanzanie (GMIS, 2015), le Botswana (2016) et le Malawi (GDMIS, 2018). Plus récemment, le Nigeria a lancé, en mai 2024, une application dédiée à la localisation des gisements miniers. Même la République centrafricaine, pourtant peu avancée en matière d’infrastructures numériques, prévoit de créer un système d’information géologique et un cadastre minier électronique, avec un financement de 6,4 millions USD de la Banque mondiale.
Ce regain d’intérêt pour la digitalisation intervient dans un contexte de retard structurel. Depuis des décennies, la faiblesse des infrastructures, la rareté des données disponibles et l’opacité dans la gestion des ressources ont freiné l’attrait des investisseurs. Résultat : l’Afrique, pourtant riche en or, cuivre, cobalt et minéraux critiques, reste marginalisée sur la carte mondiale de l’exploration. Les données disponibles sont souvent éparses, inaccessibles ou détenues par des acteurs étrangers mieux informés que les autorités locales elles-mêmes.
La mise à disposition de données minérales fiables et ouvertes est aujourd’hui perçue comme un levier d’attractivité. L’Union africaine, dans sa vision « Africa Mining Vision », plaide pour une approche intégrée et transparente. La Banque mondiale, de son côté, encourage les pays à investir dans des portails numériques. Elle estime que ces outils pourraient renforcer la capacité des États à négocier de meilleurs contrats, en comblant l’asymétrie d’information entre gouvernements et entreprises minières.
KoBold Metals et la République Démocratique du Congo ont signé un accord global permettant à l’entreprise de piloter une vague d’investissements américains dans le pays, dans le cadre de l’accord sur l’investissement et la sécurité porté par @Presidence_RDC et @POTUS pic.twitter.com/8RE17h3nVf
— KoBold Metals (@KoBold_Metals) July 18, 2025
Cependant, cette volonté politique se heurte à des réalités concrètes. En Afrique du Sud, le système SAMRAD peine à répondre aux attentes : lenteur administrative, absence de transparence, accumulation de demandes en attente. Plus de 5000 demandes de droits miniers étaient ainsi en suspens en 2021. Face à cette paralysie, les autorités sud-africaines ont récemment annoncé la création d’un nouveau cadastre numérique. L’ancien président de Vale Base Metals, Mark Cutifani, a souligné ces blocages lors du London Indaba, tout en saluant les progrès du Nigeria et du Malawi.
Pour Mark Cutifani, le message est clair : sans transparence, pas d’investissement. Il appelle les pays africains à ouvrir leurs bases de données géologiques, à en garantir l’accès public, et à instaurer une culture de redevabilité. En somme, la numérisation ne suffit pas. Encore faut-il qu’elle s’accompagne d’une volonté politique de rupture avec l’opacité qui freine le développement du secteur depuis trop longtemps.