À l’occasion du 65ᵉ anniversaire de l’indépendance de la République démocratique du Congo, célébré le 30 juin, le président Félix Tshisekedi a placé son discours à la nation sous le signe de la paix. Il est largement revenu sur l’accord signé avec le Rwanda trois jours plus tôt à Washington, le qualifiant de tournant décisif pour mettre fin à près de trois décennies de violences dans l’est du pays. Mais s’il salue un « nouveau chemin vers la stabilité », le chef de l’État insiste : la paix reste « fragile » et ne tiendra que par « un engagement indéfectible » de toutes les parties.
Le président congolais a également abordé l’absence remarquée d’un volet sur les réparations et la justice dans l’accord signé à Washington. Un sujet sensible, compte tenu des exactions massives subies par les populations de l’est. Il a tenu à rassurer en affirmant que cette omission ne signifie pas un abandon de la quête de justice. « Les responsables des atrocités devront répondre de leurs actes », a-t-il martelé, promettant que la voix des victimes continuerait d’être portée, malgré l’accord diplomatique.
Depuis les années 1990, l’est de la RDC est en proie à des conflits armés récurrents, souvent alimentés par des tensions transfrontalières avec le Rwanda et par la convoitise des ressources naturelles. Ces violences ont causé des millions de morts et de déplacés. Dans ce contexte, l’accord de Washington — facilité par les États-Unis — marque un rare moment d’alignement diplomatique entre Kinshasa et Kigali. Mais la profondeur de la méfiance accumulée, ainsi que la complexité des enjeux locaux, régionaux et économiques, imposent une prudence sur la durabilité de cet engagement.
Les ressources de la République démocratique du Congo ne seront jamais bradées ni livrées à des intérêts obscurs. Elles bénéficieront, avant tout, au peuple congolais. Aucun compromis ne sera toléré en matière de souveraineté économique.
Félix Tshisekedi, président de la République démocratique du Congo, lors de son discours à la nation.
Au-delà de la sécurité, le président congolais a mis en avant les ambitions économiques de la RDC, notamment dans le secteur minier. Il a annoncé la signature prochaine d’un accord avec les États-Unis, destiné à faire de son pays « un acteur central de la transition énergétique mondiale ». L’initiative vise à valoriser les réserves de cobalt et de lithium, mais Tshisekedi a tenu à souligner qu’aucun compromis ne serait toléré : les ressources nationales « ne seront jamais bradées », a-t-il assuré, dans une tentative de rassurer une opinion publique régulièrement ulcérée par la mauvaise gouvernance et les pillages.
Dans un autre registre, Tshisekedi a évoqué sa volonté de dépasser les divisions politiques internes. Il a révélé avoir rencontré l’opposant Martin Fayulu, adversaire farouche lors de la présidentielle de 2018, qualifiant leur échange d’étape vers la réconciliation. Fayulu a lui aussi pris la parole lors des célébrations du 30 juin. Tout en dressant un constat sévère sur la situation du pays, il a estimé que l’accord de paix, bien que « perfectible », pouvait constituer un levier pour la paix. Il a surtout plaidé pour un « dialogue national inclusif », condition selon lui pour « sortir de l’antagonisme stérile » et reconstruire une cohésion nationale en lambeaux.
L’appel à l’unité nationale lancé par Tshisekedi intervient à un moment où les tensions politiques internes restent vives, à quelques mois d’échéances électorales déterminantes. Si le geste d’ouverture envers Fayulu peut être interprété comme une volonté sincère de réconciliation, d’autres y verront une manœuvre politique pour consolider sa position. La réussite de cet accord de paix et de ce dialogue dépendra surtout de sa mise en œuvre concrète, sur le terrain comme dans les institutions.