Le défilé militaire marquant le 65e anniversaire de l’indépendance du Bénin s’est déroulé ce vendredi à la Place de l’Amazone de Cotonou avec la participation notable d’un détachement ivoirien, mais dans l’absence remarquée des représentants du Burkina Faso et du Niger. Cette non-participation des pays de l’Alliance des États du Sahel (AES), pourtant formellement invités, illustre l’ampleur des fractures diplomatiques qui traversent actuellement la sous-région ouest-africaine.
La présence des forces armées de Côte d’Ivoire aux côtés des troupes béninoises témoigne de la solidité des liens sécuritaires entre Abidjan et Cotonou, deux pays qui partagent une vision commune de la stabilité régionale. En revanche, le silence d’Ouagadougou et de Niamey révèle la profondeur du fossé qui sépare désormais l’AES des autres États de la région. Cette absence contraste avec la volonté affichée par le gouvernement béninois de maintenir le dialogue avec ses voisins sahéliens, malgré les tensions diplomatiques croissantes depuis leur sortie de la Cédéao.
Cette fête nationale intervient dans un climat sécuritaire particulièrement tendu. En mai dernier, une attaque jihadiste dans la région de l’Alibori avait coûté la vie à 54 soldats béninois, un drame que Cotonou avait attribué en partie au manque de coordination sécuritaire avec ses voisins du nord. Le gouvernement béninois avait alors dénoncé “le dispositif insuffisant de l’autre côté des frontières”, pointant les failles dans la coopération transfrontalière qui auraient facilité l’offensive du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (JNIM).
Face à ces menaces persistantes, les autorités béninoises affichent leur détermination à renforcer leurs capacités défensives. Le colonel James Johnson, porte-parole de l’armée, a souligné lors de la cérémonie que “les forces de défense et de sécurité du Bénin sont plus que jamais conscientes qu’il leur faudra sans doute plus d’engagement que par le passé pour vaincre les forces humaines qui tendent à compromettre notre sécurité collective”. Cette déclaration traduit une prise de conscience des autorités militaires face à l’évolution de la menace terroriste dans la région.
Le défilé a également été l’occasion de présenter les fruits des réformes militaires engagées sous la présidence de Patrice Talon. Avec un budget de la défense porté à plus de 18% du budget national, le Bénin affiche ses ambitions en matière de modernisation de son appareil sécuritaire. La parade a ainsi mis en avant les nouveaux équipements des forces armées, les innovations en matière d’uniformes militaires, et les projets d’infrastructures structurantes comme la future cité de défense et de sécurité.
L’invitation lancée par le porte-parole du gouvernement Wilfried Léandre Houngbédji aux pays de l’AES, justifiée par le fait que “nos populations sont les mêmes de part et d’autre des frontières”, n’aura donc pas suffi à réchauffer les relations diplomatiques. Cette situation illustre les limites de la diplomatie béninoise face à des voisins qui ont fait le choix d’une rupture assumée avec les institutions régionales traditionnelles. Pour Cotonou, cette fête nationale aura finalement révélé l’isolement croissant de l’AES et la recomposition en cours des alliances sécuritaires en Afrique de l’Ouest.