Le 15 mai 2022 à Dijon, le Football féminin Yzeure Allier Auvergne (FFYAA), club de deuxième division (D2), défiera le Paris Saint-Germain (PSG) en finale de la Coupe de France. Le FFYA, plus petit budget de D2, en est arrivé là grâce à un club soudé et à un groupe cosmopolite. Reportage.
« Si je pars pour ne pas gagner, je préfère rester chez moi. Quand je pars, c’est pour gagner. » La Sénégalaise Seynabou Mbengue, attaquante-vedette du Football féminin Yzeure Allier Auvergne (FFYAA), annonce la couleur, quelques semaines avant la finale de la Coupe de France, prévue le 15 mai 2022 à Dijon. Celle qui a qualifié le FFYAA, grâce à un doublé en demi-finale face au FC Nantes (2-1), ne fera pas de complexes face au prestigieux Paris Saint-Germain (PSG), ses superstars et ses millions d’euros. Sa coéquipière togolaise, Mafille Woedikou, est sur la même longueur d’ondes. « Le PSG est une grosse structure. C’est vrai qu’on n’a pas leurs moyens financiers. Mais on ne va se laisser faire », lâche l’attaquante de 27 ans.
Il y a pourtant plus qu’une classe sportive et financière d’écart entre le PSG et cette formation de deuxième division (D2) qui vise la remontée dans l’élite depuis 2014. « On reste confiantes, assure pourtant la Marocaine Imène El Ghazouani, numéro 10 du club. Si on ne l’avait pas été, je ne pense pas qu’on en serait là. On ne va pas y aller à reculons. On n’a rien à perdre. On a le plus petit budget de D2 ».
Petit budget et équipières au McDo
Bienvenue à Yzeure, ville de 12 000 habitants située en plein centre de la France, dont le club de foot féminin nourrit des ambitions très élevées malgré un budget dérisoire (270 000 euros). Un paradoxe apparent auquel la coach Ophélie Meilleroux, ancienne défenseure emblématique du FFYAA et de l’équipe de France, est habituée. « On est un club amateur. Personne ne nous attendait en finale. On nous regarde d’un autre œil et c’est très bien. Parce que ça met en avant tout le travail que le club et les joueuses ont accompli quotidiennement, souligne-t-elle. On sait qu’on travaille dans le dur, tous les jours. Les filles ont leurs journées de travail. Puis, elles viennent le soir pour s’entraîner, entre une heure et demie à deux heures, qu’il fasse -5 degrés ou -10, qu’il neige, qu’il vente ».
Quasiment toutes les sociétaires ont d’ailleurs un job, à côté, à l’instar de Seynabou Mbengue. « On préférerait être professionnelles, mais le club n’a pas les moyens. Je préfère ne pas rester à la maison à dormir. Donc, je travaille à côté, au McDonald’s », souligne la Lionne. La capitaine, Christine Manie, elle, est animatrice dans les écoles et coordinatrice de l’école de football d’Yzeure.
Mais aucune joueuse ne semble se plaindre de cette situation, à écouter l’encadrement du club. Même les nombreuses étrangères de l’effectif, venue parfois de très loin pour goûter au haut-niveau en France, à l’instar de l’Haïtienne Chelsea Surpris, née au Texas. « C’est quelque chose que j’ai toujours voulu : être face aux meilleurs clubs de France, voir les vrais visages des Marie-Antoinette Katoto et Sakina Karchaoui. C’est une expérience incroyable et cela signifie beaucoup pour ma carrière d’avoir cette opportunité », lance la latérale âgée de 25 ans, au sujet de ses futures adversaires parisiennes. Même son de cloche du côté de la Canadienne Taylor Beitz, impatiente à l’idée de défier notamment ses compatriotes, Ashley Lawrence et Jordyn Huitema. « J’ai vraiment hâte de jouer cette rencontre parce que les Parisiennes vont se procurer beaucoup d’occasions de but », s’enthousiasme la gardienne de but.
Un effectif cosmopolite
Cameroun, Canada, Haïti, Israël, Maroc, Portugal, Sénégal, Togo… Les pays représentés sont nombreux au sein de l’effectif d’Yzeure. Un choix assumé par Ophélie Meilleroux : « Les joueuses françaises sont de plus en plus chères. Elles ont de plus en plus souvent des agents. Elles demandent des conditions financières assez élevées. Or, nous, c’est vrai que nos moyens financiers sont assez limités. »
C’est dans cette même logique que plusieurs internationales africaines ont rejoint Yzeure, à l’image de la Camerounaise Dolores Tsadjia. « Quand je suis arrivée, je pensais qu’il n’y avait qu’une seule autre Africaine : ma compatriote Christine Manie. Et lorsque j’ai débarqué, je me suis rendue compte que toute l’équipe était africaine ! rit la défenseure. Ça m’a beaucoup aidée au niveau de l’intégration. Je me suis vite sentie bien. »
Faire cohabiter autant de nationalités n’est pourtant pas toujours aisé, à en croire Ophélie Meilleroux. « Ce n’est pas forcément tous les jours évident parce qu’on a toute une mentalité différente, glisse-t-elle. Mais je pense que le groupe a réussi à s’appuyer sur cette richesse. Les joueuses s’appuient sur leurs différences pour en faire ressortir le meilleur sur le terrain ». Et les étrangères sont tout aussi conscientes de l’enjeu pour la région. « Tu vois des affiches pour le match partout, sourit Taylor Beitz. Quand on marche en ville, les gens nous saluent et reconnaissent nos visages. C’est très bien pour le foot féminin et pour le petit club d’Yzeure ».