Le Comité exécutif de la Fédération française de football, dont la grande majorité des membres est issue de la liste que Noël Le Graët a présenté avant sa dernière réélection, en mars 2021, a fini par lâcher l’homme de 81 ans, arrivé à la FFF en 2011. Le Breton a été « mis en retrait » ce mercredi 11 janvier. Ses propos à l’emporte-pièce sur Zinédine Zidane et la diffusion d’un témoignage sur ses comportements sexistes sont à l’origine de cette mise en retrait.
« Noël Le Graët est très malheureux », a dit le président de l’Olympique lyonnais, Jean-Michel Aulas, membre du Comex, à des journalistes à la sortie de la réunion.
« Noël Le Graët a été mis en retrait, (…) Philippe Diallo assure l’intérim des deux fonctions », a expliqué un membre du Comex. Mais il n’est pour le moment aucunement question de démission. L’intérim de Diallo doit durer « jusqu’au Comex suivant la publication du rapport d’audit » sur le fonctionnement de la FFF, commandé par la ministre des Sports Amélie Oudéa-Castéra et attendu fin janvier.
Pour la directrice générale Florence Hardouin, qui entretenait des relations exécrables avec Le Graët, la sanction est plus sévère : elle est « mise à pied à titre conservatoire », a annoncé la FFF dans un communiqué.
Un audit pour ses comportements supposés sexistes
Avec ses récentes déclarations polémiques sur Zidane, les ennuis s’accumulaient pour l’ancien maire socialiste de Guingamp. Les membres de l’organe décisionnaire de la Fédération (14 en comptant le président) ont peu goûté les derniers épisodes, qui ont écorné sérieusement l’image de l’institution et laissé planer le doute sur la capacité de son patron à aller au bout de son troisième et dernier mandat complet, dont la fin est prévue en décembre 2024.
Le témoignage de l’agente de joueurs Sonia Souid, l’accusant directement d’avances à répétition, n’a fait qu’accabler encore un peu plus le président octogénaire. Ses comportements sexistes supposés, notamment auprès d’anciennes salariées, sont au cœur de cet audit.
Si le pouvoir politique n’a aucun moyen de démettre le président de la Fédération, la Fifa étant très sourcilleuse concernant l’indépendance de ses associations membres, le porte-parole du gouvernement Olivier Véran a estimé que la FFF « mérit(ait) un président à la hauteur (…) qui permette de donner une bonne image du football français à travers la planète ».
La ministre des Sports avait déjà eu des mots très durs envers Le Graët, lundi 9 janvier. En conférence de presse, elle avait pointé des « sorties de route » successives et appelé le Comex à « prendre ses responsabilités ».
Dans le monde du foot, les mots discourtois à l’égard de Zinédine Zidane sur RMC, ont aussi suscité une avalanche de réactions indignées. Pour Emmanuel Petit, champion du monde 98, la polémique autour de Zidane n’est que l’aboutissement des nombreuses « bêtises » du président Le Graët.
« Ce personnage ne mérite même pas que l’on cite son nom, il ne mérite même plus que l’on parle de lui. Je vais faire un aveu, j’ai honte de faire partie de la même famille que lui (…) Vous avez vu comment il a parlé de Zizou et de Platini, les deux plus grands joueurs de ces dernières décennies ? Comment il s’est aussi frité avec Kylian Mbappé ? On est des dizaines comme cela parmi les anciens internationaux », a-t-il lâché.
Une ascension avant le déclin
De ses débuts à la tête de l’En-Avant Guingamp en 1972, à sa mise en retrait de la présidence de la FFF, Noël Le Graët a connu une longue carrière de dirigeant dans le football français. Industriel dans l’agroalimentaire, il débarque dans le monde du football en 1972 lorsqu’il devient président de l’En-Avant Guingamp (EAG), parvenant à faire monter le club des Côtes-d’Armor, d’où il est originaire, du niveau régional à la Ligue 2.Près de vingt ans plus tard, le Breton est bien implanté dans le paysage du sport le plus populaire de France et accède en 1991 à la présidence de la Ligue nationale (LNF) –ancêtre de la LFP – où il reste neuf ans et acquiert une réputation de président à poigne.
L’ancien maire de Guingamp (1995-2008) forge son image en s’opposant à Bernard Tapie, alors président de l’Olympique de Marseille. Poussée par Le Graët, la Ligue va « porter plainte contre X pour que toute la lumière soit faite » dans l’affaire du match truqué Valenciennes-OM en 1993. Cette affaire fait scandale et aboutit à la relégation de l’OM en deuxième division à l’issue de la saison 1993/94. Surtout, un duel personnel s’engage avec Tapie.
Le Graët devient vice-président de la Fédération française de football (FFF) en 2005, cinq ans après avoir quitté la Ligue. Alors que le foot français est en crise, un an après le fiasco de Knysna lors du Mondial en Afrique du Sud, il débute son premier mandat de président.
En 2012, après un passage infructueux de Laurent Blanc comme sélectionneur, Le Graët choisit Didier Deschamps, le début d’un tandem long de plus de dix ans. C’est un autre coup gagnant : l’équipe de « DD » atteint la finale de l’Euro 2016 en France (défaite contre le Portugal), puis remporte le trophée suprême : la Coupe du monde 2018, en Russie. Quatre années plus tard, les Bleus sont en finale au Qatar face à l’Argentine.