À Libreville, la destruction des habitations dans le quartier de la Plaine-Oréty, derrière l’Assemblée nationale, suscite une vague d’indignation. Alors que les engins militaires ont rasé les lieux sans préavis clair, plusieurs partis politiques, députés et figures de la société civile réclament l’ouverture d’une enquête parlementaire pour faire la lumière sur les conditions de ces déguerpissements. Le gouvernement, lui, invoque un vaste projet de modernisation urbaine.
Plus d’une semaine après l’opération, les gravats jonchent encore les abords du quartier, et certaines familles dorment toujours dehors. Le député Lionel Engonga, élu local, dénonce une intervention menée malgré une procédure judiciaire en cours. Il rappelle que le tribunal avait exigé une expertise contradictoire et la production du titre foncier avant toute décision définitive. Pourtant, les destructions ont été effectuées immédiatement, sans communication publique sur les indemnisations prévues, ni accompagnement social visible.
Ces déguerpissements surviennent dans une phase de transition politique au Gabon, marquée par la volonté des nouvelles autorités de rompre avec les pratiques du passé. Mais cette affaire ravive les critiques envers un urbanisme autoritaire qui persiste, malgré les changements annoncés. La zone détruite devait faire place à une cité administrative et à un boulevard flambant neuf censé désengorger la ville. Le gouvernement met en avant la lutte contre les inondations et le mal-logement pour justifier son action.
Cette opération soulève une question de fond : comment concilier rénovation urbaine et respect des droits des citoyens ? Pour Ike Ngouoni, ancien proche d’Ali Bongo devenu opposant, la modernisation est nécessaire mais ne doit pas se faire au détriment de la dignité des habitants. Il propose la création d’un comité de suivi indépendant, composé notamment de représentants des quartiers touchés, pour garantir une meilleure transparence dans les projets futurs.
L’Union nationale, dirigée par la présidente du Sénat Paulette Missambo, ainsi que le parti Réagir de Michel Ongoundou Loundah, voient dans cette affaire une dérive inquiétante. Ils s’interrogent sur les méthodes employées par le gouvernement de transition et demandent une reddition des comptes. Ce climat de tension met en lumière les attentes sociales face à une gouvernance qui se veut réformatrice, mais dont les actes trahissent encore un réflexe autoritaire.
En attendant, des familles restent sans abri, livrées à elles-mêmes. Aucune solution de relogement n’a été présentée publiquement, et les populations touchées disent n’avoir reçu ni avertissement, ni accompagnement. Ce silence administratif contraste avec l’ampleur des dégâts humains. Au-delà des justifications techniques avancées, c’est la manière d’agir de l’État qui est aujourd’hui sur la sellette. La transition gabonaise est à l’épreuve : elle devra prouver qu’elle est capable de concilier fermeté politique et justice sociale.