Une enquête explosive révèle que le patrimoine de l’ex-dictateur gambien Yahya Jammeh, évalué à un milliard de dollars, a été bradé dans des conditions opaques depuis sa chute en 2017. Avions, véhicules de luxe, cheptel et animaux exotiques ont été cédés à des prix dérisoires, souvent à des proches du pouvoir, tandis que les victimes du régime attendent toujours leurs réparations promises.
L’investigation menée par le journaliste Mustapha K. Darboe dévoile un système de vente orchestré par les mêmes personnes qui se portaient acquéreurs. Des véhicules Hummer estimés à 20 000 dollars ont été cédés pour 300 à 400 dollars, tandis que des voitures valant 5 000 dollars partaient pour une centaine de dollars seulement. Plus troublant encore, la vaste réserve animalière de Kanilai, village natal de Jammeh, abritant zèbres, hyènes, autruches et bétail d’Afrique centrale, s’est entièrement volatilisée sans trace des acheteurs.
Yahya Jammeh a dirigé la Gambie d’une main de fer pendant 22 ans, de 1994 à 2016, accumulant un patrimoine colossal au détriment de l’économie nationale. Sa chute, consécutive à sa défaite électorale face à Adama Barrow, avait suscité l’espoir d’une récupération des biens détournés pour indemniser les nombreuses victimes de violations des droits humains. La Commission vérité, réconciliation et réparations avait d’ailleurs documenté les exactions du régime et recommandé des dédommagements substantiels.
Les autorités reconnaissent n’avoir récupéré que 23 millions de dollars sur le milliard estimé, compromettant gravement les perspectives de réparation pour les victimes. Cette situation soulève des interrogations majeures sur la capacité du gouvernement Barrow à mener à bien le processus de justice transitionnelle. Les révélations risquent également d’alimenter les tensions sociales dans un pays déjà fragilisé, à deux ans de l’élection présidentielle de décembre 2026.
Le scandale a déclenché une vague de protestations à Banjul, donnant naissance au mouvement “Gambians against Looted Assets”. Cette mobilisation populaire a contraint le gouvernement à publier les rapports de vente et a protégé le journaliste d’investigation des pressions. La pression de la rue s’est révélée déterminante pour briser l’omerta entourant ces transactions douteuses.
Une commission parlementaire examine actuellement les bénéficiaires de ces ventes suspectes, mais le journaliste Mustapha Darboe craint que les intérêts politiques ne freinent les investigations. Les conclusions, attendues en 2025, s’annoncent cruciales pour l’avenir de la démocratie gambienne et la crédibilité des institutions de transition. L’enjeu dépasse désormais la simple récupération d’actifs pour toucher au cœur de la gouvernance post-Jammeh.