L’enquête visant Agathe Habyarimana, veuve de l’ancien président rwandais Juvénal Habyarimana, s’est officiellement achevée en France sans aucune mise en examen. Les juges d’instruction ont estimé que les éléments réunis ne permettaient pas de retenir des charges suffisamment graves et concordantes contre elle pour complicité de génocide ou crimes contre l’humanité, selon une ordonnance datée du 16 mai.
Dans leur décision, les magistrats soulignent que les témoignages réunis contre Agathe Habyarimana au fil de l’instruction, ouverte en 2008, sont marqués par des contradictions, des incohérences, voire des mensonges. Aucun discours public haineux ou appel au génocide ne lui est attribué. « La rumeur est tenace », écrivent-ils, « mais elle ne peut faire office de preuve en l’absence d’éléments circonstanciés et concordants ».
L’enquête avait été déclenchée à la suite d’une plainte déposée par le Collectif des parties civiles pour le Rwanda (CPCR), dans le cadre de la compétence universelle exercée par la France en matière de crimes contre l’humanité. À 82 ans, Agathe Habyarimana réside toujours en France. Elle était régulièrement citée parmi les figures civiles influentes du régime Habyarimana soupçonnées d’avoir encouragé les massacres qui ont coûté la vie à plus de 800 000 personnes, majoritairement tutsies, entre avril et juillet 1994.
La décision des juges intervient alors que le parquet national antiterroriste (PNAT), en désaccord, a saisi en septembre 2024 la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris pour tenter d’obtenir la mise en examen de l’octogénaire. Une audience cruciale est prévue le mercredi 21 mai pour trancher ce point. Le parquet craint qu’un non-lieu ne soit définitivement prononcé, ce qui pourrait susciter de vives tensions avec les autorités rwandaises.
L’affaire reste particulièrement sensible sur le plan diplomatique. À Kigali, les autorités ont régulièrement dénoncé l’inaction de Paris concernant les présumés responsables du génocide réfugiés sur le territoire français. Pour Me Patrick Baudouin, avocat de la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH), partie civile dans ce dossier, la justice française fait preuve de frilosité : « Il existe, selon nous, des éléments à charge largement suffisants pour renvoyer Mme Habyarimana devant un juge ».
Cette clôture d’instruction soulève à nouveau la question de l’impunité perçue en France pour certains anciens dignitaires rwandais. Elle interroge aussi sur les limites des mécanismes judiciaires français face à des dossiers marqués par l’exil des protagonistes, l’ancienneté des faits, et les enjeux politiques toujours vifs entre Paris et Kigali.