Le Ghana a perdu environ 11,4 milliards de dollars entre 2019 et 2023 à cause de la contrebande d’or issu de l’exploitation artisanale, selon un rapport de l’ONG suisse Swissaid. Le métal précieux est principalement acheminé hors du pays via des réseaux clandestins vers des destinations comme le Togo, le Burkina Faso, le Mali, ou directement vers les Émirats arabes unis.
Le rapport, publié le 11 juin 2025, s’appuie sur des données des Nations unies (UN Comtrade) et révèle un écart de 229 tonnes entre les quantités officiellement exportées par le Ghana et celles enregistrées par les pays importateurs. Cette contrebande concerne principalement l’or extrait par les petits exploitants miniers, appelés ASM (Artisanal Small Scale Mining), qui représentent au moins un tiers de la production aurifère du pays.
Le Ghana est aujourd’hui le premier producteur d’or d’Afrique, devant l’Afrique du Sud, avec plus de 129 tonnes produites officiellement en 2023. Si la grande majorité de cette production provient de l’exploitation industrielle, l’essor de l’ASM depuis quelques années pose de sérieux problèmes. Cette activité, souvent illégale, s’étend jusque dans les réserves naturelles, avec une présence marquée d’opérateurs chinois. Les autorités peinent à encadrer ce secteur fragmenté, opaque et à forte valeur.
Pour tenter de juguler la fuite de richesse, le gouvernement ghanéen avait imposé en 2019 une taxe de 3 % sur l’or artisanal. Résultat : chute brutale des exportations déclarées, et explosion de la contrebande. En 2022, la taxe est réduite à 1,5 %, ce qui entraîne un léger redressement. En mars 2025, elle est finalement supprimée pour encourager les circuits officiels. Mais selon Swissaid, ces ajustements ne suffisent pas : le mal est plus profond.
En cause, selon le rapport : la corruption généralisée, les complicités entre hauts fonctionnaires et réseaux de trafiquants, et l’incapacité de l’État à réguler efficacement le secteur. Tant que ces facteurs structurels ne sont pas résolus, l’or continuera de fuir, échappant à toute traçabilité et à toute fiscalité.
Les Émirats arabes unis, et plus précisément Dubaï, apparaissent comme la principale destination de cet or illégal. La marchandise y transite par voie terrestre via les pays voisins ou directement en bagage à main par des passagers sur vols commerciaux. Ce réseau, bien huilé, repose sur des frontières poreuses et une logistique discrète mais redoutablement efficace.
Swissaid appelle à renforcer les mécanismes de transparence, notamment sur les volumes d’or en circulation, et plaide pour une coopération régionale plus ambitieuse. Mais le défi est immense : le Ghana, malgré son statut de champion aurifère, reste un colosse aux pieds d’argile tant que les circuits informels dominent l’économie de l’or.