La Guinée-Bissau entre dans une période décisive. La campagne pour les élections générales du 23 novembre a été officiellement lancée samedi 1er novembre par le président sortant, Umaro Sissoco Embaló. Quelque 860 000 électeurs sont appelés à choisir à la fois leur président et les 102 députés de la future Assemblée nationale. Douze candidats briguent la magistrature suprême, dont le chef de l’État en exercice et son prédécesseur José Mario Vaz, tandis que quatorze partis politiques s’affrontent pour les sièges parlementaires.
Le premier meeting d’Embaló s’est tenu dans une ambiance de fête à Bairro Ajuda, entre l’aéroport et le centre-ville de Bissau. Devant des centaines de partisans, le président a donné le ton de sa campagne, multipliant les déclarations de défiance à l’égard de ses adversaires et des menaces persistantes de déstabilisation. La veille, l’armée avait affirmé avoir déjoué une tentative de subversion de l’ordre constitutionnel. Loin de minimiser les tensions, Embaló a tourné l’incident en dérision, affirmant se présenter devant les électeurs sans gilet pare-balles.
Depuis son indépendance en 1973, la Guinée-Bissau reste marquée par une instabilité chronique, ponctuée de coups d’État et de rivalités au sein des élites politiques et militaires. L’actuel président, élu en 2019, se présente comme l’homme du retour à l’ordre constitutionnel et de la lutte contre la corruption. Cependant, la récente tentative de putsch, les divisions internes de l’armée et la méfiance entre les institutions rappellent que la stabilité demeure fragile. À chaque scrutin, le pays joue sa crédibilité démocratique.
Un élément inédit marque cette campagne : l’exclusion du Parti africain pour l’indépendance de la Guinée et du Cap-Vert (PAIGC), formation historique à l’origine de l’indépendance du pays. Écarté à la fois de la présidentielle et des législatives, le parti n’a donné aucune consigne de vote à ses militants. Son leader, Domingos Simões Pereira, adversaire déclaré d’Embaló, a cependant annoncé un soutien personnel au candidat indépendant Fernando Dias. Une décision qui divise la base du PAIGC et risque de fragmenter davantage l’opposition.
La campagne, qui s’achèvera le 21 novembre, promet d’être intense. Chaque camp prévoit des meetings géants dans la capitale et dans les régions, où les électeurs attendent des réponses concrètes aux difficultés quotidiennes : chômage, insécurité, hausse du coût de la vie. Pour Embaló, l’enjeu est de transformer sa posture d’homme fort en gage de stabilité. Pour ses adversaires, il s’agit de convaincre que l’alternance est encore possible dans un système verrouillé. Au-delà des promesses, ces élections détermineront si la Guinée-Bissau peut enfin tourner la page de ses turbulences politiques.



