Le procès en appel d’Aliou Bah, leader du Mouvement démocratique libéral (MoDel) et opposant à la junte guinéenne, a pris une tournure dramatique le mardi 22 avril. Le ministère public a requis une peine de cinq ans de prison ferme à son encontre pour « offense et diffamation » envers le président de la transition, Mamadi Doumbouya. Ce procès fait suite à sa condamnation en première instance à deux ans de prison, verdict qu’Aliou Bah a décidé de contester. Tout au long de l’audience, son équipe de défense a maintenu son innocence et a plaidé pour une relaxe totale.
Les tensions étaient palpables lors de cette audience qui s’est tenue à la cour d’appel de Conakry. À l’extérieur du tribunal, des militants venus soutenir Aliou Bah se sont retrouvés face à un dispositif de sécurité impressionnant, avec des forces de l’ordre massivement déployées. À l’intérieur, la situation n’a pas été moins tendue : des journalistes ont été fouillés et intimidés, tandis que des membres du corps diplomatique ont été refoulés, créant un climat de méfiance. Ces conditions ont exacerbé les tensions et alimenté la perception d’une justice sous pression politique.
Le procès d’Aliou Bah intervient dans un contexte particulièrement sensible en Guinée. La transition politique, marquée par le coup d’État d’abord militaire de septembre 2021, a mis sous pression les opposants et la société civile, notamment ceux qui osent critiquer la junte au pouvoir. Bah, en particulier, est perçu comme l’une des voix les plus critiques du régime de Mamadi Doumbouya. La situation est d’autant plus délicate qu’en parallèle, des cas de disparitions forcées, telles que celles de Foniké Menguè et Habib Marouane, continuent de susciter l’inquiétude au sein de l’opinion publique et des organisations internationales des droits de l’homme.
À l’issue de cette audience tendue, la défense d’Aliou Bah a annoncé son intention de riposter aux réquisitions du procureur en déposant de nouvelles pièces au dossier. La question de savoir si la cour d’appel validera la peine requise par le ministère public reste en suspens, avec des implications importantes pour le climat politique en Guinée. Si la peine est confirmée, cela pourrait affirmer davantage la mainmise de la junte sur les opposants, renforçant la polarisation politique dans le pays à quelques mois de la fin de la transition prévue.
Les éléments apportés lors de l’audience ont ajouté une nouvelle dimension au procès d’Aliou Bah. Parmi les pièces présentées, une vidéo dans laquelle il appelait les dignitaires religieux à briser le silence sur les disparitions forcées de figures de l’opposition a été projetée. En réponse, la défense a diffusé une autre vidéo, où une proche de Foniké Menguè et l’épouse du journaliste Habib Marouane Camara détaillent les circonstances de leur kidnapping par des hommes en uniforme militaire. Ces témoignages soulignent l’ampleur des violations des droits humains en Guinée, et le procès de Bah semble incarner une lutte plus large pour la liberté d’expression et la justice dans un climat de répression.
Ce procès ne se limite pas à une simple affaire judiciaire. Il représente un test pour la communauté internationale, qui suit de près la situation en Guinée. Les organisations de défense des droits humains ont exprimé leur inquiétude face à l’intensification des répressions contre l’opposition et les journalistes. Le verdict final pourrait avoir des répercussions sur les relations de la Guinée avec ses partenaires internationaux, notamment sur le plan diplomatique et économique, alors que le pays cherche à obtenir un soutien pour ses projets de développement post-transition.